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mardi, 25 avril 2017 21:44

Définitions

Le patriarcat admet différentes définitions. La plus simple concerne la transmission du nom de famille par le père et non par la mère. Une autre évoque une forme d’organisation sociale dans laquelle l’autorité familiale, politique, économique est détenue par le père ou par les hommes[1]. D’autres vont un peu plus loin et parlent de pouvoir exercé par les hommes. Enfin, on a pris l’habitude de considérer le patriarcat comme un système qui aboutit à l’abus de pouvoir des hommes sur les femmes, donc à leur domination, leur assujettissement, leur oppression (sexisme).

 

Quand on réduit ainsi le patriarcat au fait culturel et social de la domination et répression de la femme par l'homme, on ne perçoit pas, comme le plus souvent dans les affaires humaines, sa réalité énergétique, son soubassement énergétique. On ne perçoit pas que dans un système en déséquilibre, il y aura toujours un fort, oppresseur, et un faible, opprimé. Et il ne peut pas en être autrement tant que persiste le déséquilibre énergétique général. Une anomalie de fonctionnement de tout un système est réduite à une de ses manifestations, qui n’est qu’un de ses symptômes. C’est contre ce symptôme, l’oppression, qu’ont lutté et que luttent toujours bon nombre de féministes, mais sans percevoir le déséquilibre énergétique qui lui est sous-jacent et qui l’impose, et sans voir, dans ce déséquilibre, l’énergie Yin qui est absente. Cette domination / oppression est effectivement le symptôme le plus fréquent du patriarcat. Mais considérer le patriarcat « énergétique », c’est s’offrir la possibilité de le comprendre plus en profondeur.

 

C’est aussi pouvoir se rendre compte qu’une des formes du patriarcat, ce peut être paradoxalement l’inverse. On peut avoir domination de l'homme par la femme. Dans ce cas, c'est un patriarcat dans un corps de femme et non un matriarcat[2]. On reconnaît en général aux femmes de Medellin, aux femmes des départements d’Antioquia et de Santander ce caractère de « patriarches ». Les sociologues et anthropologues voient en ces régions un matriarcat ; il s’agit en réalité d’un patriarcat typique, c’est à dire d’un système hyper Yang hypo Yin mais dirigé par les femmes. Ainsi, pour comprendre ce qu’est vraiment le patriarcat, il faut en voir, non seulement les symptômes, mais aussi l’énergétique car, en plus d’être une donnée culturelle et sociopolitique, c’est une donnée énergétique. Le patriarcat est lié, non pas au sexe, mais à la mise en oeuvre excessive d'énergie masculine pour alimenter des comportements et des valeurs masculins, ce qui aboutit à la répression du féminin, et cela, dans une société comme au niveau individuel, et chez les hommes comme chez les femmes.

 

Nous disions plus haut que dans tout être humain, homme ou femme, on trouve énergie Yang et énergie Yin, qu’on s'attend en général à trouver plus d'énergie Yang dans un homme, plus d'énergie Yin dans une femme, mais que ce n'était pas toujours le cas. Effectivement, bien des hommes (ceux par exemple qu'une mère abusive a "castrés" psychologiquement, et donc en énergie) sont incapables de combativité et se montrent mous et impuissants aux moments décisifs.

 

Et bien des femmes, dans l'impossibilité de contrôler leur sensibilité, vont manifester des comportements agressifs et autoritaires. On connaît tous des femmes qui sont des « patriarches », des « dames de fer ». Il arrive par exemple qu’une femme soumette son mari à l’idée qu’elle-même se fait de ce que doit être un mari. Elle vit et impose ainsi une idéalisation (Yang), si, bien sûr, sa victime est consentante. Florence Thomas[3] mélange les genres, avec toutes les conséquences qu’elle pourra imaginer, quand elle déclare que « Les femmes (réalité apparemment Yin) ont la parole (réalité Yang) ». Comme nous l’avons vu, l’énergie masculine vise la conquête du pouvoir, du territoire, et sur ce plan beaucoup de femmes sont des hommes. Certain gouverneur d’un grand département de Colombie, certain dictateur serbe ou roumain, et tant d’autres, étaient bien placés pour le savoir. Humberto Maturana dit : « Avant de terminer, laissez-moi faire remarquer que le patriarcat n’a rien à voir avec le masculin, c’est un mode de vie fondé sur l ‘appropriation, les hiérarchies, et le contrôle, et il est patriarcal non par sexe mais par culture. Les hommes et les femmes pouvons être également patriarcaux. »[4]

 

Il faut donc bien avoir présent à l'esprit que le patriarcat n'est pas un problème de sexe, c'est un problème d’énergie : un individu ou une société fonctionne avec un rapport d'énergie favorisant l'énergie Yang, les comportements et les valeurs en rapport et réprimant le Yin, ses comportements et ses valeurs.

 

Si tant de gens assimilent par erreur le patriarcat à un problème de sexe, c'est parce que tout le monde sait reconnaître un homme d'une femme, sait différencier la structure de l’un de la structure de l’autre, mais que peu de gens ont accès ou s'intéressent à l'énergie, encore moins à sa différenciation en deux pôles opposés et complémentaires, donc peu savent percevoir le type d’énergie qui les animent. Reconnaître ces données classiques de l’énergétique permettrait de comprendre la stérilité de bon nombre de débats du féminisme et les raisons de son peu d’efficacité. Et ouvrirait des horizons nouveaux dans la compréhension de la « perte des valeurs » dont se plaignent tant de gens.

[1] Dictionnaire Microsoft Encarta

[2] « El problema con las matriarcas es que en lugar de ser Pachamamas son Papamachas ». Luis Enrique Mejia

[3] THOMAS Florence. La mujer tiene la palabra. Aguilar, Bogota, 2001.

[4] MATURANA Humberto. El sentido de lo humano. Dolmen Ediciones, Santiago de Chile en coedición con TM Editores, Santafe de Bogota, 1998, p 315.

mardi, 25 avril 2017 21:44

Symptômes, manifestations

Il résulte de cette anomalie énergétique que cette société va être amenée à souffrir tous les symptômes de l’excès de Yang comme tous ceux de la pénurie de Yin.

Sommairement, on pourrait dire que, dans le monde,

Les manifestations de fonctionnement hyper Yang

sont tous ceux de l’excès de disjonction:

 

  • L’excès d’appropriation (concentration et répartition inique de la richesse, système économique mondial oppressif, générant destruction, chômage et pauvreté, colonialisme…),
  • L’excès d’agressivité (conflits de tous genres : territoriaux, nationalistes, religieux, économiques, guerres incessantes),
  • La « loi du plus fort » comme seul guide dans les rapports humains, la domination,
  • L’activisme,
  • L’utilisation de l’élimination comme principal moyen de résolution des problèmes,
  • La survalorisation de la vie extérieure et du monde des objets, de sa découverte et de sa conquête (société de consommation, tourisme, conquête spatiale…),
  • La survalorisation des productions intellectuelles (idées, doctrines, idéalisations, rationalisations, idéologies, confessions, discours),
  • La verticalisation de l’organisation physique des sociétés (urbanisation sans frein),
  • La survalorisation de l’artificiel,
  • L’abus de pouvoir et d’autorité, des hiérarchies étouffantes, tyranniques,
  • L’imposition d’un ordre moral, de la lutte entre le bien et le mal,
  • Une croyance excessive dans la parole, les discours, les écrits pour régler les problèmes,
  • Une science dont les effets ne sont pas considérés à leur mesure et dont les finalités ne sont pas discutées…

Les manifestations de fonctionnement hypo Yin

sont toutes celles du déficit de conjonction:

 

  • Faiblesse du tissu social (impossibilité de créer des communautés fortes et équilibrées),
  • Absence de partage, de fraternité, de solidarité, d’entraide, de responsabilité (sociale, écologique), de convivialité, de civilité, de communication et de compréhension,
  • Absence ou faiblesse du contrôle ascendant sur la hiérarchie, sur les dirigeants politiques, sociaux, économiques et religieux, sur les experts scientifiques et techniques, sur les dirigeants illégaux (guérilla, paramilitaires, corrompus…),
  • Impossibilité de valoriser et de faire respecter la Nature,
  • Ignorance des apports de la vie intérieure à la transformation, l’harmonisation et la pacification de l’être humain,
  • Difficulté à percevoir le global, le fondamental, l’essentiel, le sacré, perte du sens de la responsabilité,
  • Vision à court terme sans possibilité d’appréhender le contexte,
  • Impossibilité pour les femmes, les enfants, les indigènes et les retraités de se défendre de l’agressivité et de la voracité de la société hyper Yang,
  • Impossibilité pour eux de s’exprimer comme sujets à part entière et en condition d’égalité…

 

On aura donc compris qu’une société patriarcale, par définition, ne peut être que dysfonctionnelle, déséquilibrée, violente, agressive, expansionniste, injuste, malheureuse et stérile. Elle générera toujours de l’abus de pouvoir, des mauvais traitements à la Femme, à l’enfant, à la Nature, à la petite paysannerie, aux indigènes, aux invalides…

 

Selon Humberto Maturana, avec l’apparition du patriarcat au Moyen Orient quelques trois mille ans avant JC, a commencé la lutte entre le Bien et le Mal, où « le bien est le patriarcal, l’autorité et l’obéissance, la transcendance du matériel vers le spirituel, la défense de la propriété personnelle, la compétition, la fertilité vue comme la procréation sans limite et le contrôle du monde naturel. Le mal, c’est le matristique, le respect pour l’émotion, la légitimité de l’autre, l’identification avec le naturel sans chercher son contrôle, la non compétition, la fertilité vue comme abondance harmonieuse et la conscience de la responsabilité dans le vivre. »[1] Et il souligne cette ambivalence notoire entre d’une part l’effort continuel des systèmes patriarcaux en vue de soumettre la femme et de nier son autonomie et sa dignité matristique, et d’autre part cette contradiction que nous vivons au passage du monde de l’enfance (qui reste matristique dans la relation mère – enfant) à la jeunesse puis à l’âge adulte (qui deviennent patriarcaux). Les valeurs inculquées dès l’enfance sont le respect d’autrui, la collaboration, la participation, l’entraide, le respect de soi-même. Les valeurs de la vie adulte sont la lutte, la compétition, l’appropriation, le non-respect de l’autre, la recherche des apparences et la perte de la dignité dans la soumission à l’autorité. « Plus encore, dans ce processus, comme petits garçons et petites filles nous voyons l’acceptation continuelle de la négation de la femme matristique par l’homme patriarcal comme une opposition entre le masculin et le féminin dans laquelle le féminin est la faiblesse, l’arbitraire, l’émotionnalité, l’inconstance et l’irrationalité pendant que le masculin se voit comme la force, la rationalité, la constance et la profondeur. Rien de tout cela n’est valable biologiquement. »[2]

 

Françoise Gange, dans sa très belle étude sur l’instauration progressive du patriarcat dans l’humanité[3], le décrit ainsi : « Le monde contemporain meurt « d’hypervirilité », au sens que le patriarcat a imposé à la virilité : mentalité conquérante, étayée sur un appétit de pouvoir et de richesses matérielles, qui implique hiérarchie et contrôle, nécessaires pour asseoir la domination ; prédominance du mode rationnel de pensée qui découpe, sépare, là encore en vue d’une hiérarchisation des idées ; mode d’évaluation quantitatif du monde, des autres et de soi-même. Sur le plan moral, ce système est fondé sur l’exclusion et le petit nombre des « élus », d’où découlent orgueil nombrilique et culte du moi, cynisme érigé en mode d’appréhension du monde et de l’autre. »

  

« Son corollaire est « l’hypoféminité » entendue au sens que la « première culture » dégageait de la féminité, à travers son hypostase, la Mère divine : ouverture, bienveillance, respect du Tout conçu comme solidaire, générosité engendrant le foisonnement de la vie, prédominance du mode d’appréhension intuitif, sensibilité empathique, importance de l’affectif et de l’improvisation qui tient compte de la mouvance des flux de la vie, globalisation de la pensée aussi, parce qu’il n’y a pas de solidarité sans prise en compte de l’ensemble des éléments du réel. »

 

Joël de Rosnay[4] partage la même vision du monde quand il voit la nécessité de la mise en place de valeurs féminines pour construire un monde plus équilibré : « Pendant des millénaires les hommes ont assuré leur survie grâce à la domestication de l’énergie solaire par l’agriculture. Cette étape de l’évolution des sociétés a favorisé des valeurs de nature symbiotique : complémentarité, équilibre, utilisation ménagée des ressources. La période de conquête économique et industrielle des derniers siècles, résultant de l’exploitation accélérée des combustibles fossiles, privilégie des valeurs « masculines » : compétition, conquête, domination, croissance. La transition que connaît désormais l’humanité – phase d’aménagement postindustrielle ou bioécologique, société d’information et de communication – va nécessiter le retour à des valeurs « féminines » comme la solidarité, la complémentarité, l’équilibre, des valeurs analogues à celles qui prévalaient  dans la période de survie de l’humanité. Il serait quelque peu réducteur d’opposer systématiquement les valeurs « masculines » aux valeurs « féminines », mais il est intéressant de se placer dans le contexte de leur complémentarité. »

 

« Depuis l’aube de l’humanité, le comportement masculin s’est révélé dans la chasse, la guerre, la conquête ou la défense des territoires. Le comportement de la femme dans l’aménagement et le « management » du foyer, la transmission de la vie et des connaissances. Aujourd’hui, la crise de l’environnement, les dangereux pouvoirs de la biologie, les défis de l’éducation font apparaître au premier plan l’influence des valeurs féminines dans le débat sur les grands enjeux de société. » Les valeurs féminines que Joël de Rosnay appelle de ses vœux ne peuvent se manifester qu’à la condition d’être soutenue par leur énergie propre, l’énergie Yin. Ces valeurs féminines ne seront jamais puissantes et influentes dans une société patriarcale.

[1] MATURANA Humberto. El sentido de lo humano. Dolmen Ediciones, Santiago de Chile en coedición con TM Editores, Santafe de Bogota, 1998, p 332.

[2] MATURANA Humberto. El sentido de lo humano. Op. Cit., p 316.

[3] GANGE Françoise. Avant les dieux, la Mère universelle. Alphée, Paris, 2005, p 429.

[4] ROSNAY (de) Joël. L’homme symbiotique. Regards sur le troisième millénaire. Seuil, Paris, 1995,

p 279.

 

 

mardi, 25 avril 2017 21:44

Malheur et injustice

Une société patriarcale, justement parce qu’elle est patriarcale, ne pourra jamais être juste et ne parviendra pas non plus à être heureuse ; elle n’a pas ce qu’il lui faut pour l’être, elle ne peut pas fonctionner correctement. Une société patriarcale ne peut être que boiteuse, génératrice d'injustice, d'inefficience, de souffrance, de misère. Une société patriarcale, laissée à elle-même, ne peut aboutir qu'à sa propre autodestruction.

 

Elle ne pourra jamais être juste parce que, en raison de ce déséquilibre énergétique, il y aura toujours concentration de la richesse d’un côté et dissémination de la pauvreté de l’autre. Il paraît alors bien difficile de s’accommoder du patriarcat, puisque du côté des pauvres, c’est invivable, et du côté des riches, c’est immoral. Dans ce déséquilibre, les uns vont perdre leur corps (ou leur toit), les autres vont perdre leur âme. Tous vont y perdre quelque chose. Une société patriarcale est une société de perdants-perdants. C’est une société obligatoirement malheureuse.

 

Il ne s’agit pas d’essayer d’en finir avec les manifestations d’une société patriarcale, avec le malheur et l’injustice qui lui sont inhérents, sans en finir avec le patriarcat lui-même. Pour tous les humains, la question n’est pas comment supprimer les symptômes du patriarcat tout en restant dedans. Ceci ne serait qu’un changement-déplacement. C’est dans cette direction que s’épuisent tant d’efforts au sein du déséquilibre patriarcal. Il faut un changement-métamorphose, une sortie du patriarcat par la rééquilibration du système.

Le déséquilibre de l’humanité est celui de toute société patriarcale. Or c’est dans une société affectée de ce profond déséquilibre que nous avons nos enfants. Nous pouvons légitimement nous poser la question de leur avenir. Il nous faudra bien un jour le faire en ces termes : quel avenir nos enfants peuvent-ils avoir dans un système en déséquilibre ? Peut-on penser qu’avec un tel déséquilibre énergétique, s’il persiste, il sera possible de fonder un monde juste et heureux ? Ne serait-il pas souhaitable, pour un futur meilleur, que les êtres humains mettent un terme à ce déséquilibre ? Dans quel monde voulons-nous vivre ?

 

Mettre un terme à ce déséquilibre signifierait qu’à cette situation de dérèglement sociétal, il soit apporté un remède, qu’il lui soit appliqué un traitement. Or mettre en évidence le caractère patriarcal de la société humaine, c’est seulement l’aboutissement d’une observation (celle d’une société hyper Yang / hypo Yin), et ce n’est en rien, ce n’est toujours pas un diagnostic. Tout ce que nous avons fait jusqu’à présent a consisté à accumuler des observations des manifestations, des symptômes que présente le malade, les uns traduisant un excès de Yang, les autres une pénurie de Yin ; le malade est observé mais le diagnostic reste à faire, le problème n’est pas encore posé. A ce stade de l’exposé, il est prématuré de parler de traitement puisque nous n’en sommes même pas encore au diagnostic, et qu’il ne saurait être question, nous l’avons vu plus haut, de sauter cette étape fondamentale. Nous ne pouvons en aucun cas (c’est pourtant ce qui se fait le plus souvent) nous en tenir à cela; après l’observation de ses symptômes, il nous faut maintenant passer au diagnostic de la maladie de l’humanité.

Quand on pose cette question du diagnostic de la maladie de l’humanité, les humains expriment spontanément leur perception de la maladie et généralement ils n’évoquent que des symptômes en rapport avec l’excès de Yang : violence, corruption, égoïsme, individualisme, répartition inique de la richesse, loi du plus fort… Les réponses tournent toujours autour de ce qu’on pourrait appeler, en termes symboliques, la « présence de la Bête ». Pour eux le problème de l’humanité c’est « la présence de la Bête ». A les écouter, on voit déjà les griffes que cette Bête a planté en toutes parties de cette société, on ressent ces douleurs accumulées, la souffrance chronique de la société humaine. On ne s’étonnera donc pas que la question qui vient ensuite à l’esprit de chacun soit : que faut-il faire pour en finir avec cette Bête, comment s’en débarrasser ? Cette question est dans tous les cœurs, sur toutes les lèvres. Elle est bien compréhensible. Et elle est bien légitime. Mais les humains qui voient tous les jours, dans leur vie ou aux journaux télévisés les manifestations d’agressivité de « la Bête » et qui pensent que leur problème est sa présence se trompent. Bien que la Bête y soit réellement présente, aussi étonnant que cela puisse paraître, le problème de l’humanité n’est pas « la présence de la Bête ».

 

Le problème de l’humanité est « l’absence de La Belle ». En effet, ce qui pose problème à l’humanité, c’est l’énergie qui lui manque. Dans un système vivant, c’est toujours l’énergie qui manque qui crée le problème. C’est la pénurie de son énergie Yin qui est à l’origine de tous les maux de l’humanité. Chez un hémiplégique, c’est le côté paralysé qui pose problème, pas l’autre. C’est la pénurie de Yin qui entraîne l’excès de Yang, « la présence de la Bête », et non l’inverse. Celle-ci n’est pas cause mais conséquence de cette pénurie de Yin. L’excès de Yang n’est qu’une tentative de « compensation » du déficit de Yin, tentative bien sûr vouée à l’échec.

 

Nombreux sont les arguments qui militent en faveur de cette thèse. Nous allons les étudier maintenant.

 

Mais auparavant il faudrait ajouter une précision : La Belle n’est pas morte, elle n’est qu’endormie. Elle n’est pas morte, parce que dans notre réalité ordinaire, le Yin ne peut pas disparaître, le Yang ne peut pas se retrouver seul. Notre réalité de tous les jours est marquée du sceau de la dualité. Aussi il persiste toujours les deux éléments complémentaires Yin et Yang. Ce qui varie, ce sont, en fonction des circonstances, leurs proportions respectives. Dans le cas présent, nous avons affaire à un déficit de Yin mais non à son absence, à une faiblesse de La Belle, à son sommeil mais pas à sa mort.

 

Précisons aussi que l’échelle de ce déséquilibre est particulière. Il s’agit d’un déséquilibre Yin/Yang dans le temps et dans l’espace. Dans l’espace, en ce sens que ce déséquilibre affecte toute l’humanité (mais parmi les règnes de la Nature, seulement elle). Dans le temps, en ce sens que ce déséquilibre affecte l’humanité depuis des millénaires. Si la préhistoire évoque l’existence de sociétés matriarcales, l’histoire, elle, est celle de l’installation des sociétés patriarcales, en déséquilibre YANG/yin. Plus exactement, Humberto Maturana[1] situe l’apparition du déséquilibre patriarcal à l’époque où le Lapons, pour des raisons qu’il conviendrait de préciser, sont passés de nomades, suivant les troupeaux de rennes et s’en nourrissant (comme le loup) à pasteurs, ce qui implique qu’ils se sont appropriés ces troupeaux et que le loup est alors devenu l’ennemi qu’il fallait éliminer. Il relève que les études archéologiques menées dans le bassin du Danube montrent que les premiers signes d’une culture patriarcale apparaissent il y a quelques cinq mille ans avant JC mais qu’auparavant, et pour une période de deux à trois mille ans, il n’y a pas de trace de patriarcat, pas de fortifications, pas d’armes, pas de sépultures différentes pour les hommes et les femmes mais des lieux cérémoniels pour des activités mystiques qui contenaient des représentations féminines[2]. Françoise Gange, quant à elle, montre que la culture patriarcale est apparue avec la civilisation sumérienne, trois mille ans avant JC, et qu’elle s’est progressivement renforcée jusqu’à s’établir définitivement avec les Hébreux et les Grecs[3].

 

Le sommeil de La Belle est donc une antique constante de l’humanité, une réalité historique et universelle. Ce n’est pas seulement une réalité colombienne contemporaine.

[1] MATURANA Humberto. El sentido de lo humano. Op. Cit., p 313.

[2] Ibid., p 310.

[3] GANGE Françoise. Avant les dieux, la Mère universelle. Op. Cit., p 15.

Les arguments qui démontrent que le problème de l’humanité n’est pas la présence de la Bête mais l’absence de La Belle sont nombreux et variés.

  1. La logique

Il y a d’abord un argument logique. On est bien obligé d’admettre que notre regard sur la situation est attiré naturellement sur les comportements les plus visibles, ceux en rapport avec la violence, la corruption et l’inégalité, qu’il est tourné exclusivement dans une direction, celle des excès, alors que la proposition contraire, celle de la pénurie comme facteur causal est l’autre option logique, mais celle-ci n’est jamais considérée. Elle fait partie de la « tache aveugle », n’est même jamais discutée et se retrouve éliminée purement et simplement. Pourtant, à force d’observer les excès et de constater que cette voie, à l’évidence, ne débouche sur aucune mesure efficace, ne permet aucun changement réel et profond de la situation, bref qu’elle est sans issue, on se doit, en bonne logique, d’étudier l’option inverse. Si ce n’est pas vers le Nord, c’est donc vers le Sud. Si l’étude des excès ne donne pas de résultats, il nous faut alors considérer la responsabilité de la pénurie.

 

Autre élément logique : s’il faut s’intéresser à l’un des pôles de l’énergie, ce n’est pas à celui qui fonctionne, mais, à l’évidence, à celui qui ne fonctionne pas. Le pôle Yang est d’une éclatante santé dans nos sociétés, il fonctionne trop bien. On pourrait donc s’en désintéresser, au moins pour le moment. Il devrait par contre être évident que celui qui devrait retenir toute notre attention, c’est le pôle Yin qui, lui, est bien mal en point. C’est sa faiblesse qui fait tout le problème.

 

  1. Quand La Belle se réveille

Même si nos connaissances en contes de fée sont limitées, nous savons tous intuitivement que plus La Belle se réveille, plus la Bête s’apaise, se soumet et se transforme[1]. Nous avons tous une certaine perception de l’interdépendance des deux pôles de l’énergie et nous ne doutons pas que si le Yin se réveille et s’élève, le Yang diminue et s’abaisse. Et dans le fond de nos souvenirs, nous sommes nombreux à savoir que quand La Belle est totalement réveillée, la Bête est entièrement transformée en Prince Charmant.

 

Il apparaît ainsi une réponse nouvelle à la question : « comment se débarrasser de la Bête ? » On peut se débarrasser de la Bête par sa transformation. Par sa métamorphose en Prince. Cette vision des choses laisse entrevoir que certaines Bêtes ne sont peut-être que de futurs Princes en attente de transformation. Ce qui permet de comprendre pourquoi il semble impossible de les éliminer. Elles semblent protégées. Comme les Princes le sont aussi. Par le Roi lui-même, qui veille sur ses fils, même prodigues. Donc si l’option « élimination de la Bête » semble vouée à l’échec, il semble exister une autre manière de s’en libérer : par transformation. Il s’ouvre ainsi un champ d’investigation nouveau. Voilà une piste de recherche prometteuse.

 

  1. Supprimer la Bête ou réveiller La Belle?

 

Pour retourner à l’équilibre Yin-Yang, il existe deux options : la première consisterait à baisser le Yang. Dans le cas présent, il s’agirait de supprimer la Bête. La deuxième serait d’augmenter le Yin, c’est-à-dire de réveiller La Belle.

 

L’expérience tellement grande que nous avons, nous les humains, de l’affrontement avec la Bête est suffisante pour que nous n’ayons plus de doute quant à ses résultats : le premier de ceux-ci est que c’est toujours la Bête qui l’emporte car, à vouloir éliminer une Bête en l’affrontant, paradoxalement on l’alimente, on la renforce, on ne l’élimine en rien et on devient soi-même une Bête. La guerre que mènent les Américains en Irak, celle qu’ont livrée les Israéliens au Liban en sont encore une fois, malheureusement, de belles démonstrations.

 

L’autre résultat est que le fait d’affronter une Bête n’a jamais réveillé La Belle. Bien au contraire. La guerre n’a jamais réveillé la civilité, la fraternité, mais plutôt la haine, la cruauté et la barbarie. Essayer « d’aplatir » le Yang n’a jamais réveillé le Yin. Au contraire, cette manière de faire l’enfonce davantage. Le retour à l’équilibre ne se fait jamais à partir de la diminution du Yang, il se fait par l’augmentation du Yin qui, par le mode d’action qui lui est propre, obtient la transformation du Yang excessif en Yang normal. Ce fait est amplement corroboré par l’expérience quotidienne des professionnels de l’énergie, à l’échelle de l’individu. Cette modalité d’action, augmenter le Yin, réveiller La Belle, vaut aussi pour les sociétés ou les systèmes vivants.

 

    1. La carte XI du Tarot
Carte XI Tarot

La carte XI du Tarot s’appelle « la force ». La représentation imagée qu’on se fait généralement de la force est plutôt masculine, celle, par exemple, d’un bras bien musclé porteur d’une épée, ou celle d’une bête sauvage, un tigre, un lion. Mais dans les arcanes majeures du Tarot, on découvre que le symbole de « la force » est une belle jeune femme, une princesse, debout, sereine, paraissant ne rien faire, et pourtant maîtrisant de ses deux mains, sans effort, un lion furieux. La force est celle d’une Belle maîtrisant un Bête.

 

Cette carte est une merveille. Les concepteurs du Tarot ont su représenter un type particulier de force à travers une image. Celle-ci résume à elle seule toute la stratégie de la libération de l’humanité. Elle est d’une telle importance que, même si son symbolisme est assez clair pour certains, il vaut mieux en préciser la signification.

 

Ce qui frappe en premier lieu dans cette carte du Tarot, c’est le paradoxe. On s’attendait à une figure masculine et c’est tout l’inverse qui nous apparaît. Nous disions plus haut que le changement-métamorphose, le seul qui permet une libération réelle, se présente toujours sous un aspect paradoxal. En voilà l’exemple parfait. A la question : « comment faire pour se débarrasser d’une Bête qui nous fait danser une musique qui ne nous plait pas ? », le mode de changement 1, le changement-déplacement, nous proposait : « plus de la même chose », c’est-à-dire l’usage de la force masculine dans un contexte déjà hypermasculin, l’attaque frontale de la Bête, avec le résultat que l’on sait : son renforcement[2]. La carte XI du Tarot attire donc notre attention sur l’élément de base d’un changement-métamorphose : l’énergie féminine, Yin. C’est elle, et seulement elle, qui permet un changement-métamorphose, un véritable changement. C’est celle qui fait défaut dans l’humanité. Et ce que représente l’Arcane XI du Tarot c’est, bien sûr, une Belle réveillée, l’énergie Yin en plénitude.

 

Ensuite, il apparaît bien que le lion est furieux. Mais, soumis à la force de La Belle, il est malgré tout obligé de se soumettre, alors que de son côté, autre paradoxe, La Belle, elle, parait ne rien faire, ne pas agir. Ceci exprime que le mode d’action Yin est l’influence, c’est-à-dire une action discrète, inapparente, non-violente, passive, par infiltration. La force Yang masculine, y compris quand elle est en excès, n’est pas outillée pour résister à ce mode d’action : elle est « vulnérable » à l’influence. Et transformée par elle. Cette carte du Tarot est ainsi une expression imagée du principe et de la force de la Non-violence, de l’ « Ahimsa[3] », qui sont à la base de la stratégie qu’adoptèrent Gandhi, Martin Luther King et bien d’autres pour arriver à la transformation de leur société.

 Le troisième élément notable de cette image de la force est la couronne associée au symbole de l’infini dont est coiffée la princesse. Nous rejoignons là une constante des contes et des mythes : le principe féminin Yin est d’essence royale ou divine. Ceci traduit le fait que ce principe féminin est un archétype, c’est-à-dire une structure fondamentale de la psyché humaine, qui mérite toute la considération que l’on doit aux réalités divines ou royales[4]. Cette vie des profondeurs de l’être se manifeste en majesté comme une force réelle et puissante, bien que discrète, ainsi que le symbolise cet arcane du Tarot. C’est cette force d’influence profonde qui peut transformer la réalité déséquilibrée de la société, si on la prend en considération et qu’on la réveille en soi. Ce que suggère la position debout de la princesse, c’est bien que celle-ci est réveillée car le pouvoir sur la Bête n’appartient qu’à La Belle réveillée.

 

Cette carte du Tarot ne montre que la première étape de la transformation de la Bête ; elle laisse sous-entendue la suite de l’opération, qui se traduira par l’apparition du Prince. Il est à noter que la bête qui est représentée ici est un lion, c’est-à-dire le roi des animaux, le roi de l’animalité. Il y a lieu d’entendre par là l’ensemble des forces animales, des forces instinctives présentes en l’homme, comme l’agressivité et la sexualité. De cette « royauté » animale naîtra par transformation une royauté d’un autre ordre, humaine ou plus qu’humaine. D’où l’intérêt de cesser d’assimiler la Bête au Mal, et de penser qu’on ne peut s’en débarrasser qu’en la tuant. Rappelons qu’on ne peut pas se débarrasser de la Bête en la tuant parce que, comme tout (futur) Prince, elle est protégée. La seule option est sa transformation, sa transmutation alchimique en Prince.

 

Il reste à insister sur un point fondamental de ce symbole de la force : la sensation d’aisance de la princesse, l’impression qu’elle n’a pas à faire d’effort pour vaincre la Bête, la démonstration qu’elle en prend le contrôle sans affrontement. Ce point met l’accent sur une caractéristique fondamentale de la polarité Yin, la passivité. Ce mode d’action est paradoxal puisqu’il est en réalité un non-agir. Mais c’est justement ce « surtout ne rien faire »[5], ce lâcher-prise de la volonté et de la rationalité, cette abdication de la raison et de l’intention (Yang) qui se voient dépassées, qui permet justement que l’énergie Yin trouve son écoulement dans la Bête et la transforme. Cette action non-agissante est aussi la base de l’attitude mystique qui consiste, non pas à « chercher Dieu », mais à « se laisser trouver par Lui ». « Il ne s’agit pas d’aller, il suffit de se laisser arriver. »[6]

 

[1] Allusion à La Belle et la Bête, le célèbre conte écrit par Mme Leprince de Beaumont en 1757. Jean Cocteau, en 1946, a contribué à le faire connaître en le portant à l’écran avec Jean Marais dans le rôle de la Bête. Les jeunes générations le connaissent sous la forme des dessins animés de Walt Disney.

[2] Cf. la politique de George Bush en Irak ou celle de Ehut Holmer au Liban

[3] « Non-violence » en hindi.

[4] C’est ce caractère archétypique du principe féminin qui fait que, par exemple, dans un autre domaine, en dépit du fait que « l’Assomption de Marie n’est attestée ni par la sainte Ecriture ni par la tradition des cinq premiers siècles de l’Eglise chrétienne » et qu’elle « a même été longtemps contestée officiellement…elle ne s’en est pas moins développée peu à peu…avec la connivence de l’ensemble de l’Eglise médiévale et moderne ; qu’elle a ainsi tellement gagné en force et en influence qu’elle est parvenue…à faire passer au second plan la nécessité d’une preuve scripturaire et d’une tradition remontant aux premiers âges et, finalement à obtenir d’être officiellement définie, bien que, manifestement, son contenu échappe à toute définition… Le pas irrévocable ainsi accompli au-delà des limites du christianisme historique est une preuve éclatante de la vie autonome des images archétypiques. » Carl Gustav Jung. Mysterium conjunctionis, Tome 2, Paris, 1971, Albin Michel, p 261

[5] Le jeune prince du conte « L’oiseau d’or » de Grimm, vient à bout de toutes les difficultés dans son entreprise de libération de la princesse parce qu’il suit le conseil du renard (représentant le Maître Intérieur) qui lui recommande, en présence de situations inextricables de « surtout ne rien faire ». Et du jour au lendemain, les pires obstacles ont disparu. GRIMM. Contes. Gallimard, coll. Folio classique, Paris, 1976, p 164.

[6] MEJIA D. Luis Enrique. Esquizitofrenia. op. cit., p 156.

mardi, 25 avril 2017 21:44

Le diagnostic

Sur la base de cette argumentation, nous sommes maintenant en mesure d’identifier la maladie de l’humanité, autrement dit d’en énoncer le diagnostic : l’humanité souffre de la paralysie de sa force féminine ; en termes médicaux, d’une hémiplégie énergétique Yin.

 

Une hémiplégie est une paralysie de la moitié du corps. Un côté fonctionne mais l’autre non. L’humanité est paralysée de sa moitié Yin. Cette paralysie, il faut le préciser, n’est pas lésionnelle, elle n’est pas due à une lésion : elle est fonctionnelle. Ce n’est pas la structure d’humanité qui est affectée, c’est son fonctionnement. On pourrait donc aussi bien dire : hémiplégie fonctionnelle Yin. Néanmoins je propose qu’on en reste plutôt à « hémiplégie énergétique Yin », parce que ce terme rappelle l’existence, l’importance et l’implication de l’énergie, et particulièrement de son pôle Yin. On ne saurait trop insister sur cette réalité.

 

En médecine, quand une paralysie n’est pas complète, on utilise le terme de « parésie ». L’énergie Yin n’est pas totalement absente dans le monde. Elle est bien présente, mais elle est faible, elle ne fait pas le poids, il n’y a pas équilibre Yin-Yang.

Pour être conforme à la réalité, on devrait donc parler d’ « hémiparésie énergétique Yin », ce serait plus exact. Mais ce terme est beaucoup moins connu que celui d’hémiplégie. On pourrait donc le réserver aux puristes et utiliser celui d’hémiplégie qui a le mérite d’être assez commun et donc mieux compris de la majorité.

 

Ce diagnostic prend en compte la totalité des symptômes relatifs à la pénurie d’énergie Yin ainsi que l’ensemble de ceux dus à l’excès « compensatoire » d’énergie Yang.

 

L’humanité est une société patriarcale parce qu’elle est hémiplégique Yin. Elle est hyper Yang parce qu’elle est hypo Yin (et non l’inverse). L’humanité ne vit qu’avec la moitié d’elle-même. Une telle société ne peut que tomber, malgré ses béquilles, si tant est qu’elle ait déjà réussi à se lever. Une telle société se proposera toujours de résoudre la totalité de ses problèmes avec la moitié d’elle-même[1], avec la moitié de son énergie. Ce qui est impossible.

[1] MEJIA D. Luis Enrique. Esquizitofrenia. op. cit., p 40.

Construire un château de sable avec du sable sec est impossible. Et cela non pas en raison de la présence de sable sec, mais en raison de l’absence d’eau. C’est toujours l’absent qui a tort et qui pose problème. Si l’on fait revenir l’eau, celle-ci pénètre dans le sable, l’infiltre, sans rencontrer de résistance. Le sable n’a pas la possibilité de s’opposer à l’infiltration de l’eau, au même titre que la Bête n’a pas la possibilité de s’opposer à l’influence de La Belle. L’eau ne fait pas que pénétrer le sable, elle le transforme. Comme une colle douce et réversible, l’eau opère dans le sable une fonction de conjonction, de cohésion, d’agglutination, d’agrégation qui transforme une société de sable sec (individualiste) en une communauté de sable humide (fraternelle). La différence entre une société et une communauté est la présence dans la seconde d’une force de conjonction, d’un tissu conjonctif, d’un tissu social. Cette force de conjonction de l’eau dans le sable est l’image la plus représentative du Yin. C’est cela le Yin.

 

L’absence, ou du moins le niveau très faible de cette force Yin de conjonction font que l’humanité est une société, mais ce n’est pas une communauté. Nos sociétés sont des Etats, mais ce n’est pas des Nations. « Nous sommes un peuple sans Nation » disait le philosophe Guillermo Hoyos[1]. L’humanité est une patrie, mais comme elle est hémiplégique, ce n’est pas une matrie. Le mot « matrie » n’y existe même pas. Ni le mot, ni ce qu’il représente ne sont d’ailleurs connus dans les sociétés patriarcales, hémiplégiques Yin.

 

Une société anormale n’est composée que d’une patrie, une société normale d’une patrie et d’une matrie. La première est chargée des fonctions masculines comme la construction des structures et infrastructures, la défense du territoire et l’économie, la seconde est chargée des fonctions féminines comme l’alimentation, l’agriculture, l’éducation. La patrie, au même titre que le père, devrait être désignée par un terme masculin : « el patrio ». La matrie est bien sûr un terme féminin : « la matria ». Pour l’équilibre des familles, la présence du père et de la mère est souhaitable. Pour l’équilibre des collectivités, la présence d’un « patrio » et d’une « matria » l’est aussi. Le terme « patrie » est ambigu, il commence masculin et termine féminin. Les citoyens d’une patrie ont souvent la sensation d’être trahis quand ils s’adressent à la patrie comme à une mère. Ils lui demandent l’harmonie et la fraternité, et elle, comme un père, leur répond « envoie tes enfants à la guerre ». Dans le même ordre d’idée, l’Eglise est un mot féminin mais désigne une réalité masculine, patriarcale. On pourrait paraphraser la phrase du Christ[2] en disant : « Que votre Yang soit Yang, que votre Yin soit Yin, tout le reste vient du Malin. »

 

[1] Dans une émission de la Radio de l’Université Nationale, U.N. Analisis, en juillet 2004.

[2] Que ton oui soit oui, que ton non soit non, ce qu'on y ajoute vient du malin. Matthieu 5-37

mardi, 25 avril 2017 21:44

Deux forces complémentaires.

Nous abordons là un point fondamental. Le diagnostic de la maladie de l’humanité, hémiplégie énergétique Yin, a permis de faire ressortir l’existence et l’importance de deux forces. L’une d’elles s’est toujours fait remarquer par son absence ou sa faiblesse, son inconsistance. Nous avions donc l’habitude de prendre le mot « force » appliqué à l’être humain pour sa seule expression masculine, la force d’affrontement, celle que nous ne connaissons que trop bien, celle qui recherche l’élimination de l’adversaire ou de la situation (en médecine, les anti-biotiques éliminant la bactérie ou l’infection, les anti-dépresseurs, les anti-acides ; en politique, le Plan Patriota affrontant la guérilla pour éliminer la guérilla et la guerre, les Israéliens au Liban essayant d’éliminer le Hezbollah…).

 

Mais voilà la bonne nouvelle : il existe une autre force. Une force de la plus grande importance, mais complètement méconnue. Quand nous changeons notre angle de vue, quand nous apprenons à regarder dans l’invisible, quand nous explorons notre « tache aveugle [1]», il nous apparaît de plus en plus évident que, pour arranger nos problèmes, nous les êtres humains, nous ne disposons pas d’une force mais de deux. A côté de la force masculine, nous pouvons utiliser une force féminine. Celle-ci est d’une toute autre nature, elle n’agit pas par affrontement, par opposition. Son mode d’action est l’influence. L’influence est l’action d’un flux ou d’une force qui s’infiltrent. Cette force ne recherche pas l’élimination de l’adversaire ou de la situation. Le résultat de son intervention est leur transformation. La force Yin est la force de transformation que nous avons tous en nous. Celle qui permet notre propre transformation, et par irradiation, la transformation de notre entourage, de notre vie, de notre monde.

L’exemple typique de ce mode d’action est le soleil. Le soleil exerce bien une force sur les fruits. Mais rien de force masculine ; il exerce une force Yin d’influence (et d’infiltration). Et les fruits se transforment. Sous l’influence de la force du soleil, l’acide devient du sucre.

 

Un adversaire est soit éliminé soit transformé, et s’il ne peut pas être éliminé, alors il doit être transformé (l’inverse est vrai aussi). De la même manière si une situation ne peut pas être éliminée, alors elle doit être transformée.

 

Nous avons admis qu’un adversaire ou une situation ne seront transformés que s’il est développé une force Yin suffisante[2]. Il est clair que l’humanité n’a pas besoin de plus d’élimination, elle a besoin d’une transformation. Si les humains souhaitent la transformation de leur monde, c’est en mettant en jeu suffisamment de cette force Yin qu’ils l’obtiendront et seulement ainsi. Dans le cas contraire, c’est la situation actuelle, indéfinie, qui persisterait. Indéfinie parce que l’adversaire (chacun verra ce qu’il met sous ce vocable) n’est ni éliminé ni transformé. La situation pourrit mais ne se résout pas et même s’aggrave, au détriment de tous. On peut donc imaginer le scénario nouveau où cette force Yin entre en jeu : la situation immanquablement se transforme et s’éclaircit.

Nous avons tous à notre disposition deux forces :

une force Yang

masculine

d’affrontement

qui permet

l’élimination


une force Yin

féminine

d’influence

qui permet

la transformation


de l’adversaire ou de la situation

                 

Le réveil de La Belle suppose d’abord qu’on sache pour quelle raison elle dort et ensuite par quel procédé on l’obtient. Nous touchons là le thème des causes de cette hémiplégie énergétique Yin (son étiologie) et celui de son traitement. Ces thèmes sont l’objet des chapitres suivants.

 

Mais avant de les développer, il serait bon de s’arrêter un peu sur quelques considérations que l’on peut extraire de l’existence de cette force Yin. Si l’on admet que cette dernière est en état de pénurie, que le monde souffre d’une hémiplégie fonctionnelle, quelle compréhension pouvons-nous avoir, sous cet angle de vue, de phénomènes de société comme la corruption, la violence, la présence de la guérilla, etc. ? Et à quelles perspectives de solution ce diagnostic peut-il conduire ? Nous allons nous référer ainsi à plusieurs thèmes, dont certains sont tirés de notre expérience en Colombie.

 

 

POUR ARRANGER NOS PROBLEMES, NOUS DISPOSONS DE

 

DEUX FORCES

Une Force Yang

masculine

d’AFFRONTEMENT

que permet

L’ELIMINATION

Une Force Yin

féminine

d’INFLUENCE

qui permet

LA TRANSFORMATION
DE L’ADVERSAIRE     OU     DE LA SITUATION

DEUX CONSCIENCES

Une conscience Yang

Masculine

   Active   

Emettrice

Intentionnelle

“Je vais changer le monde”

CONSCIENCE FLECHE

Une conscience YIN

Féminine

Passive

Réceptrice

Sans aucune intention

“C’est ainsi”

CONSCIENCE COUPE

DEUX DIMENSIONS

EXTERIEURE

FAIRE

AVOIR

INTERIEUR

ÊTRE

ÊTRE (ICI ET MAINTENANT)

 

© Dr Xavier ETIENNE

 



TOUT SYSTEME VIVANT DISPOSE DE DEUX MODALITES D’ORGANISATION

 

DEUX ORGANISATIONS

UNE ORGANISATION

YANG

masculine

ACTIVE, INTENTIONNELLE

« J’ORGANISE MA VIE…
MON ENTREPRISE, MA VILLE… »

UNE ORGANISATION

YIN

féminine

PASSIVE
SANS INTENTION

“AUTO-ORGANISATION”
ORGANISATION QUI DEPEND DE
L’INTELLECT
(SCIENCE, VISION…)
LA VOLONTE
L’ENERGIE
LA CONFIANCE
DEUX PROSPERITES
PAR STOCK
PAR FLUX
DEUX PROTECTIONS
PAR MURAILLES
PAR RAYONNEMENT

 

© Dr Xavier ETIENNE

[1] La tache aveugle est la partie de la rétine qui n’a pas de photorécepteurs et qui est donc complétement aveugle. Fig. : l’inconscient

[2] Il y a lieu de préciser ici que les résultats de l’application de la force Yin dépendent d’une contrainte, le franchissement d’un seuil : l’énergie Yin ne se manifeste que si un seuil a été franchi. Le registre Yin est soumis à la loi du « tout ou rien », ce qui en complique la visibilité.

 

L’existence de La Belle, l’existence d’une force Yin à notre disposition n’est peut-être pas encore très évidente pour tous. Nous ne sommes habitués ni à ce concept, ni à cette réalité. Cependant, quel que soit l’accueil qui sera fait à cette donnée nouvelle, il est bon de rappeler que ce n’est pas parce qu’on ne voit pas quelque chose que cette chose n’existe pas. La Belle existe bel et bien. Elle est endormie, non fonctionnelle. Elle ne remplit pas son rôle dans nos vies, en tous cas pas comme nous le souhaiterions, individuellement ou collectivement. Elle est bien sûr d’accès peu aisé, mais rien ne nous autorise pour autant à nier son existence. Si maintenant nous reconnaissons sa présence et admettons qu’elle est sous-développée, notre compréhension de nos réalités quotidiennes s’éclaire d’un jour nouveau, une piste de travail féconde se présente à nous.

Pour rendre plus évidente l’implication permanente de l’énergie dans nos vies, pour nous familiariser avec cette vision dans l’invisible, nous nous livrerons à une description de quelques-unes de ces réalités quotidiennes sous l’angle de l’énergétique, et particulièrement sous celui de la bipolarité de l’énergie et de son déséquilibre YANG/yin.

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