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mardi, 25 avril 2017 21:44

Le réveil du Yin optimise le Yang

« Comment atteindre le cœur des violents ? » Voilà une question qui est souvent posée. Cette interrogation suppose que le problème de la Colombie soit du côté des violents, et que la thérapeutique s’applique à eux. Tout ce que nous avons vu jusqu’à présent nous démontre qu’il n’en est rien. L’intervention doit avoir lieu sur La Belle et non sur la Bête. Néanmoins nous avons vu que le réveil de la force Yin entraîne indirectement, par influence, par infiltration, la transformation du cœur des violents.

 

Et puisque nous en sommes aux violents il y a lieu de bien préciser ce point fondamental : le réveil du Yin optimise le Yang. Le réveil du Yin n’altère pas le Yang, au contraire il l’améliore, en le (nous) débarrassant de ses excès.

 

Bien des gens, adeptes de « la manière forte », c’est-à-dire de l’usage de la force militaire, de la force Yang, de l’élimination de l’adversaire (prison ou mort) peuvent avoir une vue faussée de la politique de réveil de La Belle. Ils peuvent penser que cette politique implique le renoncement à la politique d’affrontement et d’élimination qui est déjà en cours. C’est tout à fait inexact. Et pour bien comprendre ce point important il y a lieu d’apporter ici quelques précisions.

 

La politique Yang telle qu’elle est mise en œuvre actuellement en Colombie se caractérise par une certaine efficacité mais aussi par une brutalité notoire et une nocivité incontestable. Les « bavures » ne manquent pas, ses effets secondaires se traduisent par des morts, des injustices, des destructions absolument indésirables et non souhaitées. L’usage de la force Yang pour la libération des otages des guérillas leur fait courir un très grand risque. Leurs familles ne s’y trompent pas et le plus souvent s’y opposent totalement. Le plus souvent, la politique Yang ne peut être, ne l’oublions pas, qu’une politique hyper Yang, déséquilibrée, excessive, étant donné l’excès chronique de ce pôle de l’énergie. Henry de Montherlant disait : « Il n’y a pas le pouvoir, il y a l’abus de pouvoir, rien d’autre. » De même, il n’y a pas la force, il y a l’abus de la force, rien d’autre. Le risque de l’abus de la force, malgré toutes les précautions qui peuvent être prises, malgré les garde-fous qui peuvent être installés, est permanent. Et l’abus du pouvoir est la réalité quotidienne du peuple colombien. Le peuple se retourne alors contre le pouvoir.

 

Il y a une relation inverse entre la brutalité et l’efficacité : plus un système est brutal, moins il est efficace. Les êtres forts, par contre peuvent et savent être doux, alors que les être faibles seront brutaux. La brutalité est un signe de faiblesse. « La méchanceté est la réussite des ratés[1] ».

Les maîtres en Arts Martiaux sont aussi des guerriers. Ils sont aussi des utilisateurs d’armes. Mais leurs coups d’épées portent exactement. Leurs coups d’épées sont millimétriques, d’une efficacité totale, et sans effet secondaires. Ils pourraient faire d’excellents chirurgiens. D’eux, on ne peut pas dire qu’ils soient brutaux, mêmes si leurs coups sont implacables. Mais leur force est patente. Leur « secret » : l’équilibre Yin/Yang. A travers toutes leurs pratiques, à travers leur purification, celle de leur technique mais surtout celle de leur personnalité, grâce à la pratique de la concentration et de la recherche de l’équilibre, ils ont réveillé leur force Yin et ont transformé leur violence en force et leur faiblesse en douceur. Ils ont alors l’accord du peuple.

 

Le réveil du Yin optimise le Yang. Le Yang est nécessaire, tout comme le Yin. Prôner le réveil du Yin ne signifie pas renoncer à une politique Yang, mais travailler à son optimisation. Parmi les violents, certains se transformeront, certains vont comprendre et vont se soumettre à quelque plan de reconversion (le terme conversion convient particulièrement). Mais pas tous. Certainement pas tous. Il ne faut pas rêver, il ne faut pas être naïf. Et, dans ce cas le « traitement » de ces inconvertibles ne peut être que Yang.

 

Rajoutons qu’une des caractéristiques de la guerre de guérilla est l’infiltration. La guérilla s’infiltre dans la société, et à certains moments, sans qu’on l’ait vue arriver, elle lui porte ses coups fatals. C’est un procédé Yin mis au service d’une cause hyper Yang. Il revient aux Forces Armées de développer aussi ce mode d’action Yin (elles le font déjà ; l’Intelligence, les renseignements, reposent sur ce travail souterrain, invisible, en réseaux) si elles veulent pouvoir un jour infiltrer la jungle (ou la société) pour enfin capturer ou éliminer les têtes de la guérilla.

 

Le Plan Patriota (Yang) doit à l’évidence être complété, complémenté par un Plan Matriota (Yin) si l’on veut qu’il soit le plus efficace à moindres frais. Et par frais, malheureusement, il y a lieu d’entendre : morts, souffrances, destructions, désolation, etc.

[1] Selon Gustave Thibon, philosophe français (1903-2001). 

Nous arrivons maintenant au nœud du problème. Après de nombreuses pages de théorie, nous voilà à la pratique, au pied du mur.

 

Le ton et l’orientation de l’ouvrage vont donc changer. Nous passons d’une étude globale du fonctionnement d’une société, donc d’un regard macroscopique et extérieur, à l’étude détaillée des procédés individuels et intérieurs qui permettent à chacun de participer au traitement de son déséquilibre. Le déséquilibre de l’ensemble est le déséquilibre de chacun. Il est la somme de tous les déséquilibres individuels. Certains plus prononcés que d’autres, mais tous contribuant d’une certaine manière à la situation générale.

 

Il est bon que chacun se livre à une petite observation de sa propre vie. Dans l’existence de chacun, si on veut bien en convenir, on trouvera toujours un ensemble de contraintes, de difficultés, de souffrances qui évoquent ce déséquilibre. On trouvera ces souffrances infligées par un patron abusif, par un conjoint de mauvais caractère, par une maladie, par un membre de la famille qui s’adonne à la drogue, ou toute autre forme de contrainte. Tous, d’une manière ou d’une autre nous sommes dans « les griffes de la Bête ». C’est le côté hyper Yang. En plus de cela, tous, là aussi chacun à sa manière, sentons des insuffisances, des faiblesses, des frustrations, des déceptions ou des échecs. A cela s’ajoute tout ce dont nous ne sommes pas conscients, tous les manques que nous ne remarquons même pas. Tous nous vivons un déficit de Yin.

Aussi chacun a de bonnes raisons de rechercher son équilibre Yin-Yang. Chacun a ses motivations personnelles et peut envisager les pratiques de vie intérieure qui vont être exposées maintenant pour sa propre transformation et celle de la situation qui est la sienne. Mais chacun, ce faisant se retrouve aussi acteur de la transformation collective. La rééquilibration de la Colombie est celle de chacun des Colombiens.

 

Ce changement d’orientation de l’ouvrage imposera certainement un effort d’adaptation pour certaines personnes. Compte tenu de l’enjeu, cet effort est amplement justifié.

 

Nous envisagerons successivement les différents acteurs du traitement de la société, puis les trois attitudes que l’on rencontre le plus souvent dans ce domaine et enfin les méthodes qui permettent de parvenir au réveil de l’énergie Yin en chacun et en tous. Le traitement peut rencontrer des difficultés que nous efforcerons d’élucider et de résoudre et des obstacles dont on étudiera la solution.

mardi, 25 avril 2017 21:44

Les acteurs du traitement

Le patient est la Colombie, les acteurs du traitement seront donc les Colombiens, et, comme nous le disions plus haut, ne sauraient être qu’eux. Comme ce sont les Colombiens et seulement eux qui peuvent le faire, c’est évidemment à eux qu’il revient d’appliquer le traitement. Il est certain que personne d’autre qu’eux ne le fera. Ainsi, chaque Colombien qui aura pris conscience du problème, qui sera d’accord avec le diagnostic et avec toute la démarche précédente et qui décidera d’assumer sa part de responsabilité dans le traitement de la maladie de son pays, se convertira en un acteur d’un futur nouveau, pour lui-même, pour les siens et pour le pays en entier. Tous les volontaires sont donc les bienvenus dans cette entreprise collective. Chacun peut être un acteur efficace. Nous verrons plus loin que, de même que l’élaboration d’un diagnostic pour la maladie de la Colombie ainsi que la détermination de son étiologie étaient des opérations relativement simples et accessibles, les bases et la réalisation du traitement sont elles aussi simples, compréhensibles et abordables. Le traitement, nous le verrons petit à petit, peut donc être mené par toute personne de bonne volonté. Il y en a beaucoup en Colombie.

Il est bien sûr à souhaiter qu’à ce chantier s’attelle le plus grand nombre possible d’ouvriers. Le nombre des intervenants, tout le monde le sait bien, n’est pas une donnée négligeable, bien au contraire. Mais on ne peut pas se leurrer, il n’y a jamais dans une société, surtout déséquilibrée, des foules de gens qui entreprennent du jour au lendemain une activité nouvelle sur la base d’une compréhension nouvelle, ni même sur la base d’une nécessité, y compris vitale. Le réalisme invite à considérer que plus il y aura d’acteurs, mieux ça sera, mais que s’il n’y en a que peu, c’est toujours ça. On peut ainsi espérer ou soutenir que le reste viendra après. Bien entendu, s’il y a peu de personnes pour porter la charge, le changement ne va pas être rapide, mais c’est déjà quelque chose. Bien entendu aussi, on n’est jamais obligé de guérir. On peut même mourir d’une maladie curable si on ne se soigne pas, si on ne prend pas ses remèdes. C’est un choix ; dans le cas présent, un choix collectif, donc de chacun.

 

Il semble important de préciser que le traitement de l’hémiplégie Yin dont souffre la Colombie concerne aussi bien les Colombiens que les Colombiennes. Il ne faudrait pas imaginer que le réveil de l’énergie féminine ne serait souhaitable que chez les femmes. Il l’est tout autant, voire plus, chez les hommes. Encore une fois, on ne peut pas assimiler l’énergie, les valeurs et les comportements féminins au sexe féminin. Ceux-ci se retrouvent chez tous les systèmes vivants, indépendamment du sexe physique.

 

Dans le type de travail dont il sera question, la notion de qualité intervient au plus haut point et doit entrer en ligne de compte. La qualité, dans une opération comme celle-ci, peut servir à remplacer la quantité. La situation idéale est la qualité associée à la quantité ; cette situation, selon certaines intuitions, pourrait bien être ou devenir celle de la Colombie.

 

Parmi les acteurs, il y a une hiérarchie de responsabilités. Une société normale se présente sous forme de pyramide. La responsabilité sociale croit au fur et à mesure que l’on monte dans cette hiérarchie, le poids des responsabilités et le devoir de servir aussi. Chacun à son niveau devrait assumer un certain type de responsabilités, chacun a son rôle à jouer. On se plait à imaginer que tous les dirigeants seront responsables et auront à cœur d’être des acteurs efficaces du traitement.

 

Les dirigeants et le peuple ont leur rôle respectif dans le traitement. Parmi les dirigeants, une place à part est réservée au Président et, bien sûr, à son épouse. Mais d’autres responsables, en particulier les responsables religieux, ont un rôle de première importance comme acteurs du traitement. Nous ne sommes évidemment pas dans une société normale et il arrive souvent que des subalternes, par leur évolution personnelle et leur équilibre, soient en mesure de générer dans une entreprise plus de force de réorganisation que leurs supérieurs hiérarchiques, humainement moins évolués.

 

On pense souvent que le premier acteur de la transformation de la Colombie est son président. On attend beaucoup de lui. On fonde en général beaucoup d’espérance sur sa gestion. Et l’on exagère. Bien sûr, idéalement, il devrait être un modèle de cet équilibre qu’on recherche pour le pays et ainsi son « homme-médecine ». Des exigences spécifiques s’appliquent à lui. Il devrait être un sage, un Initié. « L’action du chef : faire tourner pour tous la roue du Dharma, mais ne pas participer à son mouvement…Il (le chef) utilise l’alternance du sage et du guerrier. Le travail intérieur est le support de l’action, l’un servant à l’autre de test…Tandis que le brahmane fixe l’horizon pour ne pas perdre sa route, le guerrier le garde à droite, le garde à gauche. Souvent le chef visible est le guerrier, dont l’éminence grise est ce brahmane. L’homme d’Etat de haute qualification, qui constate qu’il n’a pas assez de temps à consacrer à la méditation pour qu’elle soit capable de soutenir son action, peut, par osmose, assimiler le fruit de la méditation de l’initié retiré de l’action. Son infaillibilité est intacte »[1] .

 

Le chef est tenu à un travail intérieur. Les anciens chinois, dont les dynasties étaient d’une durée qui nous paraît maintenant inimaginable, considéraient ce travail intérieur comme primordial. Etienne Perrot exprime ainsi cette dimension de l’action et du rôle du vrai dirigeant : « Le Soi agit comme le soleil, par simple présence. Son mode d’action est le wou-wei, l’action non-agissante des anciens chinois. Les empereurs mythiques se contentaient de demeurer dans leur palais en se mettant en accord avec le cours des astres et, parce que leur être était ainsi maintenu dans l’ordre -le Tao -, l’ordre régnait du même coup dans l’empire tout entier.

Cette réalité «mystique» se retrouve dans le monde des animaux. Les colonies de termites sont organisées autour d’une reine qui reste immobile et inactive, mais que des liens invisibles relient à chacun de ses sujets. L’ordre de la communauté trouve en elle son principe et son axe. Si l’on tue la reine, l’on voit immédiatement le tumulte et le désordre s’emparer de la colonie tout entière »[2]. Le tumulte et le désordre qui règnent en Colombie laissent penser que les différents chefs qui se sont succédés n’ont pas rempli leur fonction, n’ont pas su, pas pu ou pas voulu être les acteurs du traitement. Ils n’ont vraisemblablement pas compris la dimension intérieure de leur fonction, et n’ont pas su lui donner la puissance qui aurait dû être la sienne.

 

Si l’on entend par chefs non seulement les présidents, mais aussi tous les dirigeants, à quelque niveau que ce soit, qu’ils soient politiques, religieux, sociaux ou économiques, force est de constater que, globalement, ils n’ont pas été et ne sont toujours pas à la hauteur de la tâche qui leur incombe. Ce serait une bénédiction pour la Colombie que ses dirigeants retrouvent pleinement leur rôle spécifique d’acteurs responsables dans le traitement de son hémiplégie Yin.

 

Le cœur est la partie la plus Yin de l’être et la plus intérieure, celle qui met en relation avec le Centre, avec l’Essentiel (qui est invisible pour les yeux), avec le fondamental, avec le sacré, avec le complexe. Un président a donc besoin d’un « grand cœur » qui lui permette de gérer l’énorme complexité d’une société humaine à partir de la puissance de son énergie féminine Yin parfaitement éveillée. En Colombie, le président, en plus de son activité traditionnelle de type Yang, devrait être un des promoteurs du Plan Matriota. A toutes les obligations d’un président s’ajoute donc celle d’œuvrer au réveil de sa force Yin de transformation par un travail personnel intense et une aide véritablement éclairée. En aucun cas on ne pourrait concevoir qu’un président exerce sa fonction avec un cœur altéré, encore moins si c’est par quelque « rage ».

 

Et puisqu’on évoque le cœur, dans le même ordre d’idée, il est certain que le Plan Matriota concerne particulièrement la Première Dame de la Nation, l’épouse du président. Traditionnellement, on attend d’elle qu’elle remplisse un certain nombre de fonctions qui tournent généralement autour des activités de type féminin. On apprécie que l’épouse du président soit dynamique, ouverte sur les besoins de la population, de contact simple et chaleureux. Plus que toute autre femme dans le pays, elle aura donc besoin d’une force Yin importante et d’un grand équilibre énergétique si elle veut remplir le rôle social que le pays attend d’elle.

 

Maintenant, nous devrions tous avoir bien présent à l’esprit que dans cette pyramide qu’est toute société, c’est le peuple qui en est la partie Yin. Il faudrait donc qu’il soit bien clair que l’avenir du peuple est peut-être dans les mains de ses dirigeants mais il est tout autant, voire bien plus, dans ses propres mains. Que si la force Yin du peuple croît, alors apparaissent l’équilibre, le contrôle ascendant, la fraternité, la paix. On peut soutenir que le rôle du peuple dans la reconfiguration de son propre destin est premier (parce que c’est le Yin qui est en souffrance et doit être corrigé) et que celui du président, par exemple, est second. Le pays a ainsi le président qu’il se mérite et peut décider d’en mériter et de s’en offrir de meilleurs ou de plus équilibrés. Il faut rajouter que la réalité colombienne est que, si ses autorités légitimes ne sont pas parfaites, ce ne sont néanmoins pas elles qui sont les acteurs principaux de la souffrance du peuple, mais ses « autorités » illégitimes, ses tyrans (guérillas, paramilitaires, corrompus, système économique prédateur…). La balle est dans le camp de La Belle, dans le camp Yin, celui du peuple. C’est pour cela que c’est à chaque citoyen de devenir un acteur influent de son réveil, avec, sans ou malgré les dirigeants. Il a ce pouvoir. Et ce pouvoir, il ne pourra le déléguer à personne.

 

Nous disions au début de ce chapitre que les responsables du sort de la Colombie ne pouvaient être que les Colombiens eux-mêmes. Ce n’est pas tout à fait exact. Ceux par exemple des Français qui s’émeuvent tant de la situation des otages de la guérilla et qui constatent que toutes leurs actions sont restées jusqu’à présent sans résultat pourraient reconsidérer leur stratégie, et au lieu de s’en prendre en pure perte à la Bête, c’est-à-dire aux guérillas qui commettent ces atrocités, ou, plus maladroit encore, aux autorités colombiennes qui ne seraient pas disposées à un accord humanitaire, ils pourraient eux aussi devenir, même à distance, des acteurs intelligents du réveil de La Belle, du réveil des forces Yin de transformation en Colombie. Il s’agirait là d’une aide efficace, cohérente, appréciée, et qui ne ferait courir aucun risque d’ingérence ou d’interférences dans la politique du pays.

[1] MICHON Micheline. L’homme, cet ordinateur inspiré. Synthèse Editions, Paris, 1984, p 427.

[2] PERROT Etienne. La voie de la Transformation : d’après C.G. JUNG et l’ALCHIMIE. La Fontaine de pierre, Paris, 1980, p 117.

 

Le traitement d’une société malade n’est pas une entreprise ordinaire. L’enjeu est de grande envergure. Le retour à l’équilibre d’une société est une révolution. Une révolution qui ne peut être qu’intérieure, pacifique et constructive, mais révolution quand même. La transformation personnelle et la transformation collective sont des processus de grande exigence. Pour mener tout cela à bien, il faut que les acteurs de ce changement soient dans un état d’esprit particulier ; ils se donnent et remplissent une mission. Ceci suppose une attitude et des aptitudes particulières, que nous allons détailler maintenant.

 

Face au défi monumental qu’est la réorganisation sociale d’un pays, face à une tâche qui paraît aussi difficile, voire impossible et pour le moins gigantesque, on observe généralement trois attitudes : celle de l’égoïste, celle du résigné et enfin celle du guerrier.

 

mardi, 25 avril 2017 21:44

Les trois attitudes possibles

1. l’attitude de l’égoïste

 

Pour certains, l’univers se réduit à leur propre personne. Leur champ de conscience est étroit, aussi bien dans l’espace (leur propre monde) que dans le temps (maintenant, et qu’importe ce qui se passera pour les générations suivantes !). Leur attitude est du genre : « moi, moi, moi, et après moi, le déluge ». C’est la forme la plus rudimentaire de l’amour : l’amour de soi. Ils n’ont pas de sensibilité sociale, et ce manque de sensibilité ne leur permet pas de capter toutes les informations que la société envoie. Donc pour eux, la société n’existe pas, et ses souffrances non plus. Il ne faudra pas compter sur eux pour être des acteurs de son traitement.

 

On pourrait diviser les égoïstes en deux classes : les égoïstes « par action », et les égoïstes « par omission ».

 

Les égoïstes « par action » ou par intention sont là pour délibérément se servir du monde, se servir des gens, se servir de la communauté. Certains ne sont pas du tout inconscients de cette situation, bien au contraire : ils en profitent, ils sont là pour cela, et souvent même, ils ne s’en cachent pas. Certains de ces professionnels de la désorganisation sont là pour faire souffrir et seulement pour faire souffrir. Ce sont des anti-sociaux professionnels. Et plus ils font souffrir, plus ils montent en grade dans leur hiérarchie. Certains sont inconvertibles. C’est ainsi ! On peut se lamenter, on peut ne pas vouloir y croire, mais c’est ainsi. Et il vaut mieux ne pas tomber dans leurs griffes. Ni perdre du temps à essayer de les convertir.

 

Les égoïstes « par omission » ou par défaut peuvent être de très braves gens, d’honnêtes gens, au sens où on l’entend généralement de sociable et cultivé, mais souffrant d’une atrophie du sens social, ce qui ne leur permet pas non plus de percevoir la misère qui les entoure et ne stimule donc pas en eux le désir de servir. Ainsi leur vie se réduit à leur propre petit univers, parfois un univers à deux, mais cela ne va pas plus loin. Le cas n’est pas rare. Le plus fréquemment, il est porté sur ce genre de personne un regard très réprobateur, fait de mépris et de jugement. Il serait possible et sans doute plus fécond de porter sur eux un autre regard : un regard médical. On dit qu’ils n’ont « pas de cœur ». C’est inexact. Ils en ont, mais celui-ci ne fonctionne pas, ce qui produit le même effet que s’ils n’en avaient pas. Ceci est une pathologie très courante de ce centre d’énergie fondamental qu’on appelle le chakra du cœur, qui est le siège de la générosité, de l’altruisme, de la compréhension et de la perception du contexte (entre autres). Il va de soi que si ce centre (Yin par excellence) ne fonctionne pas comme il devrait (ce qui est très fréquent), les personnes affectées par ce dysfonctionnement ne pourront pas exprimer ces qualités. Non pas parce qu’elles ne le voudraient pas mais parce qu’elles ne le pourraient pas. Ce n’est pas un problème moral, c’est un problème technique, qui invite plus à des mesures thérapeutiques qu’à des condamnations. Si ces mesures sont adoptées, il peut arriver que ces personnes se transforment.

 

Dans un cas comme dans l’autre, on ne comptera pas sur eux pour participer à la réorganisation sociale du pays. Quelle est la proportion de ce type de personnes dans la société ? Impossible de le dire. On se cantonnera à espérer qu’elle ne soit pas trop grande.

 

Ce livre ne va sans doute pas les intéresser ; il n’est pas vraiment écrit pour eux. Mais, sait-on jamais… ?

 

2.  l’attitude du résigné

 

Le résigné est peut être le modèle de citoyen le plus courant. La tâche lui paraît impossible, donc « cela ne vaut pas la peine de s’y mettre ». « De toute façon, ça ne marchera pas ». « A quoi bon ? ». « J’ai bien d’autres choses à faire ».

 

Le résigné est souvent un déçu. Il a déjà essayé tant de choses, il a déjà déposé son espérance et sa confiance en tant de gens, tant de systèmes, tant de confessions, tant d’idéologies. On lui a fait miroiter le paradis de mille manières, et chaque fois, il a été déçu. Les résultats ont toujours été les mêmes : trahison, tromperie, manipulation, perversions… Il a toujours vu les mêmes schémas se reproduire : la « trahison des clercs », les cycles sans fin de bourreaux / victimes, l’enfermement dans les mêmes conditionnements, etc., qu’il n’a pas pu faire autrement qu’adopter une position de repli, de doute, de méfiance, sans espoir. Pour lui la vie n’a pas de sens et nous sommes là pour souffrir. Alors, pourquoi tenter encore autre chose ? Pourquoi se lancer dans une autre aventure, si en plus, elle paraît démesurée, si les résultats pourraient n’être que lointains, si on n’a aucune sécurité que, cette fois-ci, cela fonctionne ?

 

Ces personnes qui ressentent leur univers ainsi font aussi l’objet de jugements péjoratifs de la part de leurs concitoyens. Mais, de la même manière, elles pourraient aussi être regardées sous l’angle médical. Là, le centre d’énergie qui attire l’attention est le chakra du « plexus solaire » (le 3° chakra, au niveau de l’estomac), celui qui a sous sa dépendance (entre autres) le dynamisme général, la combativité, l’optimisme, la cristallisation des projets dans la matière, leur concrétisation. Si ce centre d’énergie n’est pas en bon état (ce qui arrive aussi très souvent), toute entreprise semble prendre des proportions démesurées, qui démolissent tout espoir. Mais tout est une question de proportions : « ce n’est pas que tu sois si grand, c’est que je suis à genoux ! » Aux enfants qui s’intéressent à leur énergie et veulent savoir à quoi sert le « plexus solaire », on peut leur dire que, quand celui-ci est altéré, « les fourmis paraissent des éléphants », mais que quand il est bien, alors ce sont « les éléphants qui paraissent des fourmis ». Tout dans la vie dépend de notre énergie, le moteur de notre fonctionnement, et ce n’est jamais facile (mais malheureusement très courant) de vivre sans énergie. Aussi il est bien recommandé à tous, mais particulièrement aux résignés, de travailler ou de faire traiter leur propre énergie. Cela leur permettrait de sortir, s’ils le veulent, de la catégorie des résignés.

Ce livre est écrit pour ceux des résignés qui sont las de l’être.

 

3. l’attitude du guerrier

Je crois à la vertu des petits peuples.

Je crois à la vertu du petit nombre.

Le monde sera sauvé par quelques-uns.

André Gide

 

Il peut paraître un peu étrange, dans un pays qui souffre autant de la guerre et depuis si longtemps de présenter maintenant l’attitude du guerrier, et surtout, ainsi que nous le verrons, comme étant celle qui conviendrait à la situation de la Colombie. Mais tout le monde l’aura bien compris, et il ne saurait y avoir sur ce point aucune équivoque, le guerrier dont il sera question ici n’est pas celui qui ravage nos campagnes et nos familles, c’est un guerrier bien particulier : il livre son combat sur le front de l’intérieur. Il travaille à sa propre transformation pour contribuer à la transformation collective. Il ne sera nullement question dans ce livre d’une quelconque intervention sur un objectif extérieur, encore moins d’un combat, de quelque sorte que ce soit, contre un hypothétique ennemi extérieur à soi-même. La stratégie du combat frontal contre la Bête a si souvent et depuis si longtemps montré son caractère nocif, contreproductif et inutile qu’il ne saurait plus y avoir, à ce point du livre, la moindre confusion : le combat qui nous attend est bien réel, mais sur un autre champ de bataille que celui que nous ne connaissons que trop, l’extérieur. Il n’y a pas d’ennemi à combattre à l’extérieur. C’est en raison d’une grande confusion et de quantité de programmations douteuses qu’on en arrive encore à confondre la « petite guerre sainte » (les croisades, la fatwa) qui se livre contre un supposé ennemi extérieur, avec la « Grande Guerre Sainte » qui se livre en soi-même, contre son propre déséquilibre, contre ses propres limitations, programmations, insuffisances et défauts et dont l’objectif est le réveil, la libération en soi de La Belle, ce magnifique potentiel de force et de lumière dont nous avons tous besoin pour nous transformer. Le guerrier travaille à sa propre transformation. Si un pays peut compter sur beaucoup de ces guerriers, la transformation devient alors collective.

 

Il n’y a sans doute pas d’entreprise plus difficile, pour l’être humain, que celle qui consiste à se remettre en question. En théorie nous savons que nous devrions sans cesse nous remettre en question, ou au moins que nous devrions rester ouverts à toutes sortes de questionnements (sur nous-mêmes, sur nos idées, sur nos actes, nos comportements…) cela en vue d’accéder au « plomb » que nous hébergeons en nous pour pouvoir le transformer en « or ». Car il est bien vrai qu’on ne transformera pas quelque chose auquel on n’accède pas. Mais en pratique, inconsciemment, nous bloquons tous nos processus de transformation par un ensemble de mécanismes (les mécanismes classiques de défense de l’inconscient comme le refoulement, la dénégation, la projection, l’idéalisation, la minimisation…), nous ne sondons pas nos propres profondeurs ou seulement jusqu’à un certain point, nous n’allons jamais « jusqu’à la marque » et rien ne change.

 

Le guerrier est cet être qui est intimement persuadé de la nécessité vitale de sa propre transformation et qui est décidé à livrer tous les combats qui seront nécessaires à cette fin. Il sait qu’il n’est pas nécessaire de réussir pour entreprendre. Le guerrier est donc cette personne capable de relever les défis même impossibles. Il cherche, il rompt ses barrières, et « Dieu le bénit pour avoir cherché ». Il sait qu’il est « payé » à l’essai et non à la réussite. Il n’a aucune certitude d’arriver à une victoire, mais cela ne joue pas sur sa détermination : il se met en marche, combat et tient la longueur. Au pire, c’est un joueur : il parie. Il parie que l’effort, que la tâche, pour insurmontables qu’ils paraissent, en valent la peine. Tant pis s’il perd, mais au moins il aura tenté. Ou bien il se dit : « Qu’ai-je de plus important à faire ? De toutes mes activités, celle qui consiste à me transformer pour devenir enfin ce que je suis n’est-elle pas la plus importante ? Toutes mes autres activités ne sont-elles pas subordonnées à ma transformation ? » Et il accepte les risques du changement.

 

Il a le sens du devoir, il se sent membre d’un tout, donc en partie responsable de ce tout. Il accomplit son devoir de citoyen quand il prend sa part de responsabilité dans l’évolution de la société dans laquelle il vit.

 

Il comprend toutes les implications de cette phrase mal comprise (et surtout mal acceptée) : « celui qui n’est pas avec moi est contre moi ». Il reconnaît que les mécanismes de la vie impliquent la notion de seuil et sont donc de l’ordre du « Tout ou rien ». Il sait donc que s’il ne fait pas partie de la solution, alors il fait partie du problème. Et il est las de faire partie du problème. Il sait que ne pas choisir de faire, c’est choisir de ne pas faire. Il est exigeant avec lui-même et tolérant avec les autres.

 

Il a compris cet enseignement primordial donné à l’humanité par un de ses grands Instructeurs : la parabole de « la paille et la poutre ». Il sait que la réalité extérieure est le reflet de sa réalité intérieure et que si elle ne lui plaît pas, il peut la changer en lui-même, ayant accès à elle par son propre intérieur. Il sait aussi qu’il ne la changera jamais de l’extérieur. Il ne se leurre donc pas sur ce que signifie être « un homme de bien ».

 

Sa devise pourrait être : « Mourir pour mourir, autant mourir debout et au combat ! ». Sa personnalité se caractérise par l’altruisme, par la patience et la persévérance. Ayant le sens du Tout, il se sent solidaire de tous. Il assume sa part de la charge. « Si je ne le fais pas pour moi, alors je vais le faire pour tous les séquestrés, pour les déplacés de la violence, pour les miséreux… ». S’il se projette dans l’espace (le Tout), il se projette aussi dans le temps : il voit loin, à plusieurs centaines d’années, il participe à un projet à long terme, projet qui dépasse largement les dimensions temps et espace de sa propre personnalité.

 

Il arrive que le guerrier se souvienne qu’il s’est incarné sur cette Terre pour participer à un événement peu ordinaire, une transformation collective. Les vicissitudes de la vie sur cette Terre étant ce qu’elles sont, il arrive aussi qu’il l’ait oublié et qu’il se dédie par erreur à toute autre chose que ce qu’il avait prévu. Auquel cas on reconnaîtra le guerrier aux efforts qu’il fera pour reprendre ses esprits et retrouver le sens de sa vie et se recentrer. Il saura trouver l’aide nécessaire et échapper à tous les pièges.

 

Ce livre est surtout écrit pour les guerriers.

mardi, 25 avril 2017 21:44

Les conditions de la transformation

Quand on entreprend un changement, quand on se lance dans l’aventure d’une transformation, quand on souhaite réaliser un projet ou mener à bien une mission, on suit en général un processus logique, dont il peut être intéressant de présenter les étapes.

 

Au départ il y les motivations. Sans motivation ou motivations, il n’y a pas d’élan vers quoi que ce soit et pas de changement. Si je ne suis pas motivé pour, par exemple, arrêter de fumer, il est certain que ma situation va rester la même.

 

Il y a lieu de distinguer les motivations positives (qu’est ce que je vais gagner si je me lance dans telle opération ?) et les motivations négatives (qu’est ce que je vais éviter si je me lance dans cette opération ?). Reprenons l’exemple du tabagisme : les motivations positives sont que je vais gagner de la santé, de la liberté, de l’argent, du respect, de l’auto-estime, etc. Les motivations négatives sont que je vais éviter des maladies cardio-vasculaires (infarctus, artérite…), des maladies pulmonaires (cancer des bronches, bronchite chronique…), des cancers (bronches, larynx, vessie…), je vais éviter de perdre de l’argent, je vais éviter de me présenter comme un anti-social gênant avec tout le mépris que cela comporte et induit, je vais éviter un enfermement dans une pratique sans intérêt, complice d’intérêts plus que douteux, etc.

 

Toutes ces motivations poussent au changement et amènent à l’étape suivante qui est la détermination. La détermination d’entreprendre activement le travail en vue du changement. Cette détermination met parfois un certain temps à naître, elle peut être cultivée par une prise de conscience des motivations. Mais quand elle apparaît, elle initie la mise en pratique du changement qui se caractérise par des efforts et des combats. Une détermination qui ne serait pas suivie d’efforts et de combats ne déboucherait sur rien de nouveau.

 

Pour que l’œuvre aboutisse, il faut souvent rajouter à cette chaîne logique un élément supplémentaire : l’aide. Les processus de transformation des systèmes complexes et particulièrement des êtres humains sont si délicats, si subtils et si variés que souvent une aide est nécessaire pour désentraver, pour stimuler, catalyser le processus et pour le guider. Ceci implique que celui qui se lance dans ce type de processus ait la capacité de solliciter et de recevoir de l’aide.

 

Puisque nous sommes dans le cadre du traitement de l’hémiplégie énergétique de la Colombie, il est bon de reprendre et d’analyser ces différentes étapes, mais appliquées à cette opération.

 

1. Les motivations.

Nous commencerons par les motivations négatives. Quels sont les éléments négatifs de la réalité colombienne dont nous voudrions nous passer ? Quelles sont les composantes de la réalité quotidienne que nous devrions transformer ? Quelles sont toutes ces motivations négatives qui ne peuvent nous laisser indifférents ? Elles sont innombrables.

 

Chacun évidemment est seul pour répondre à ces questions. Chacun selon son vécu perçoit tel ou tel aspect de cette réalité. On imagine facilement la motivation des séquestrés et de leurs familiers. On voit la motivation de ceux d’entre nous qui font preuve d’une grande sensibilité sociale et qui veulent voir disparaître la faim dans les bidonvilles, les conditions de vie insalubres de tant de gens, le déplacement de populations tellement dramatique, l’angoisse de l’avenir, l’inégalité sociale, la mauvaise répartition de la richesse, la situation précaire des jeunes dans un monde sans vraies références… La mort, la violence, la corruption, la pauvreté, l’inégalité sociale, le déséquilibre, le futur incertain, les préjudices à la Nature, tous ces éléments générateurs de souffrance, naturels mais surtout non naturels sont autant de motivations négatives qui ne nous laissent pas en paix, qui ont ce mérite de nous réveiller et de nous pousser à agir.

 

Si l’effort que je vais consentir pour que se réveille La Belle dans mon pays pouvait contribuer à mettre fin au supplice des séquestrés et de leur famille, alors je n’aurais pas perdu mon temps ; si l’énergie que je vais mettre en jeu à travers mon travail va contribuer, par influence, à la transformation des violents (violence armée, violence économique, violence sociale…), alors je serai fier de moi. Si le travail intérieur que je poursuis concourt à la diminution du déséquilibre sociétal qui nous mène à la chute, alors je n’aurais pas œuvré pour rien. Si mon voisin ou mes enfants en venaient un jour à me demander : « Qu’as-tu fait, toi, de non ordinaire pour ton pays, pour l’humanité ? », je pourrais les regarder droit dans les yeux.

 

Les motivations positives sont elles aussi innombrables. Les désirs les plus souvent exprimés sont ceux de paix, de justice sociale et de prospérité. Il serait motivant d’imaginer la Colombie ayant réussi à se réorganiser. Quand on cherche à atteindre un but, il est bon d’essayer de visualiser ce but déjà atteint.

 

L‘imagination est créatrice ; elle est une information associée à une force, celle du désir. Cette in-formation mise en route, appuyée par une énergie, finit par entrer dans le système et par s’exprimer sous forme de trans-formation. L’imagination peut et doit donc être utilisée dans le bon sens. Si quelqu’un veut aller à Pékin, il ne faut pas qu’il pense sans cesse à New York, il faut qu’il se voie déjà à Pékin. Si quelqu’un veut la transformation de son pays il faut qu’il l’imagine, il faut qu’il voie à l’avance ce qu’il veut obtenir, il faut qu’il ait en lui, bien présentes, toutes les informations qu’il souhaite voir se concrétiser. On peut faire ainsi une liste de ce qu’on aimerait voir se produire dans sa vie ou dans son pays. Cette liste est celle des motivations positives : liberté pour tous les otages, disparition des affrontements, retour au foyer de tous les déplacés, conditions de vie dignes et agréables pour tous les citoyens, ruraux ou urbains, ressources suffisantes pour tous, respect entre les citoyens à tous les niveaux, etc. Chacun pourra faire la liste de ses motivations positives. Il est bon de consacrer un certain temps à cet exercice de visualisation du but recherché. Cet exercice n’est pas très facile, il se fait contre résistance ; la résistance des autres informations, celles qu’on reçoit en permanence dans la vie quotidienne. Mais il ouvre d’autres horizons, il fait contempler non plus seulement le problème, mais la sortie du problème, il renforce la détermination d’œuvrer à la guérison du pays.

2. La détermination

Quand nos motivations sont claires, nous passons de manière plus ou moins consciente à la phase de la détermination. Peu à peu, ou tout d’un coup apparaissent une détermination, une résolution, une ferme volonté de se mettre en route, de trouver et d’appliquer les moyens efficaces pour mettre fin au déséquilibre. Parfois cette détermination prend la forme d’un « cesser de résister ». On savait bien, et depuis longtemps, qu’on ne pouvait pas rester les bras croisés en attendant que quelqu’un, un sauveur, fasse tout seul le travail. On le savait bien, mais on résistait, par inertie, par paresse, par conformisme ou par confusion. Ces éléments d’inertie existent en nous tous et on ne devrait pas en sous-estimer le poids. Mais on peut les vaincre et donner à l’avenir de nos enfants plus d’autorité qu’à eux.

Très souvent, ce qui bride la détermination, c’est la confusion, ou la certitude que le problème est mal posé et que donc, les mesures thérapeutiques ne seront pas celles qui conviendraient. Rien ne prête dans ces conditions à déployer un effort qu’on sait déjà voué à l’échec. Mais la détermination apparaît avec force, et se maintient, si on comprend de quoi est malade le pays, pourquoi il l’est, et si on perçoit le sens des mesures à prendre pour qu’il guérisse. Quand on capte la logique simple et cohérente d’un livre comme celui-ci, on a envie effectivement de se mettre en route, de participer à cette grande marche des citoyens déterminés à transformer leur pays et leur vie.

 

3. Les efforts et les combats

Une transformation se fait toujours contre résistance. Aucun ordre établi ne meurt de gaieté de cœur. Les résistances au changement sont énormes et multiples. L’effort que les guerriers ont à accomplir est hors de proportions. Ceux des humains qui veulent faire partie de la solution doivent s’attendre à rencontrer toutes sortes d’obstacles et à devoir déployer des efforts sans commune mesure.

Dans les sociétés nanties, tout est fait pour limiter l’effort au maximum et pour dégager le plus de temps possible aux loisirs. En Colombie, une grande partie de la population est tenue à des efforts immenses pour assurer sa simple survie quotidienne. Les recycleurs de papiers, de cartons et autres matériels que nous voyons toutes les nuits dans nos rues, sont un exemple vivant et quotidien de l’effort soutenu. Ces employées de maison qui effectuent trois heures ou plus de transport pour se rendre à leur travail mais qui, en plus, étudient à l’université après leurs heures sont aussi un modèle de courage et de combativité. L’effort à fournir pour obtenir une transformation personnelle et collective est de cet ordre-là. Il s’agit pour une société de s’extraire d’une condition difficile. Cela suppose un mouvement de sortie par le haut, une ascension, et donc un effort tout particulier, intense et soutenu. Il faut espérer que la partie de la population qui a résolu ses problèmes de subsistance et qui dispose d’une certaine disponibilité en temps et en espace, saura utiliser ses forces pour les mettre au service de la collectivité de manière intense et prolongée. Une société qui veut sa transformation doit en arriver à penser que l’effort immense est quelque chose de banal, de tout à fait normal, et naturel. Et que le refus de l’effort et du combat, même du plus petit, est ce qui peut lui arriver de pire.

 

L’effort le plus difficile semble être la remise en question de soi-même, de sa propre personnalité avec ses systèmes, ses visions du monde, ses limitations, etc. L’égo est coriace et, même si la vie le met en présence de ses limites et ses erreurs, il n’accepte pas spontanément sa remise en cause. L’autre effort est celui qui consiste à s’adonner à une discipline avec régularité, patience, constance. Pour bouger la situation de la Colombie il faudra la conjonction de beaucoup d’efforts individuels.

 

Une transformation personnelle implique aussi de nombreux combats. Des combats intérieurs, et seulement intérieurs. Combats contre l’inertie, contre la paresse, contre la lassitude, contre le doute, contre le conformisme, contre les pressions de tous ordres, contre ses propres programmations, contre les peurs. Une transformation collective est le fruit de l’accumulation de tous les combats individuels. Elle n’implique jamais un combat extérieur. Le combat le plus dur est d’accepter de comprendre que ce que l’on voit chez l’autre, on l’a aussi en soi. Et que ce que l’on voudrait que l’autre change, il faut le changer en soi-même. Tel est le sens de la parabole tellement pertinente de la paille et de la poutre[1]. La paille que l’on voit dans l’oeil de l’autre alors que la poutre qu’on a dans son propre oeil, on ne la voit pas. Et on ne la regarde pas non plus. Le combat véritable consiste à changer en soi ce qui nous déplaît en l’autre. Il y a des techniques pour cela ; nous allons les envisager. Le combat véritable, dans un pays violent, est de devenir pacifique et paisible, y compris au plus profond de son propre inconscient. Le combat est d’appliquer avec régularité et assiduité les techniques qui mènent à cette paix, à cet au delà de tout conflit, à cette unité intérieure.

 

4. L’aide

Une transformation personnelle ou collective implique de l’aide. Les occasions de se perdre en chemin sont extrêmement nombreuses. Le risque d’illusion est permanent. L’image du labyrinthe est tout à fait pertinente quand il s’agit de décrire le cheminement vers la réalisation de la paix et de l’unité intérieures. La situation actuelle de la Colombie correspond exactement à celle du héros qui doit trouver la sortie d’un labyrinthe mais qui ne l’a pas encore trouvée et qui ne s’y prend pas de la manière qu’il faudrait pour résoudre son énigme. Le recours aux armes, par exemple, est une tentative de sortir en force (Yang) du labyrinthe. Une tentative dérisoire, prétentieuse et néfaste. On ne sort jamais par la force d’un labyrinthe. Les règles sont autres. Il faut les connaître et les respecter. Un individu qui veut se réaliser, réaliser la totalité de ce qu’il est, qui veut atteindre ses sommets, son unité, son Essence doit savoir demander et recevoir de l’aide de la part d’un guide compétent et autorisé. Il doit se mettre dans l’attitude du disciple qui, humblement, délègue une partie de sa « souveraineté » pour recevoir de son guide les énergies et les informations qui lui permettront d’avancer et de s’orienter jusqu’à la sortie. Un vrai disciple fait plus confiance à son maître qu’à lui-même.

 

Une société qui veut sortir de la prison de pauvreté, de violence et de corruption dans laquelle elle se débat, doit savoir aussi demander et recevoir de l’aide. L’attitude normale d’une société qui veut sa transformation, celle donc de ses membres, devrait être au moins, à l’image du bon disciple, l’humilité et l’écoute. Il y a là bien sûr un problème majeur. Cette attitude est peu fréquente. L’ego, aussi bien individuel que collectif, rejette généralement cette ouverture humble, et cela d’autant plus que cet ego est celui d’un système patriarcal. On ne peut en général rien enseigner à un « patriarche », il sait déjà tout. Il est un « élu », son niveau d’ouverture est très faible et son orgueil est à son maximum. Il ne sert à rien de lui faire observer que ses résultats en termes d’organisation sociale, d’harmonie collective, de paix et de fraternité le contredisent en tout, même ces arguments ne l’ébranlent pas et ne le ramènent pas à l’humilité. Les exemples abondent. Une société qui veut sa transformation devra donc compter sur un nombre suffisant de membres possédant ces qualités du bon disciple.

 

L’aide que reçoit une société qui veut sa transformation se manifeste sous de nombreuses formes. Mais on en reviendra toujours à deux éléments qui maintenant nous deviennent familiers : énergies et informations. Energies pour un dynamisme nouveau qui nous permet de débloquer le mouvement, d’amorcer et de perpétuer le changement. Informations pour orienter et organiser la transformation. Il existe des personnes qui ont les aptitudes pour catalyser cette transformation et qui peuvent aider « de l’extérieur ». Mais la majorité de l’aide provient de l’intérieur. Dans la mesure où une société réussit à réveiller son énergie Yin, elle catalyse en elle l’organisation de type Yin, c’est à dire l’auto-organisation. Elle permet l’émergence d’une organisation naturelle, spontanée, « magique ». Cette forme d’organisation optimise l’aide, la fait apparaître au bon moment, au bon endroit. Quand une transformation est bien amorcée, bien conduite, quand elle est soutenue par le travail adéquat, des solutions, des opportunités, des chances apparaissent toujours au fur et à mesure de la progression. Des solutions que nous sommes absolument incapables d’imaginer maintenant ne manqueront pas de se présenter en temps opportun. Ainsi, plus la Colombie réveillera son Yin, plus lui apparaîtra de l’aide et plus elle sera à même de la recevoir. Plus elle s’engagera alors dans un cercle vertueux.

 

 

[1]  Luc 6, 41

mardi, 25 avril 2017 21:44

Introduction - Les méthodes

Les méthodes de traitement d’une hémiplégie énergétique Yin ont toutes pour but de permettre le contact de la personne avec son propre Maître Intérieur, étant entendu que seul ce contact est en mesure de réveiller en chacun l’énorme potentiel d’énergie Yin de transformation bloqué au fond de chacun. Le travail qui nous attend est une pratique de vie intérieure.

 

Dans un monde déséquilibré, fragmenté, il est devenu urgent de reprendre appui sur son propre Centre. Le remarquable psychologue italien Roberto ASSAGIOLI écrivait en 1965 [1] : « L’introversion est une nécessité pour l’homme moderne. Notre civilisation actuelle est tellement extravertie que l’homme se retrouve prisonnier d’une activité frénétique et ce tourbillon peut en terminer avec lui. Actuellement on peut dire que l’homme « normal » vit psychologiquement et spirituellement « hors de lui ». Il se trouve que cette expression, autrefois utilisée pour les malades mentaux, est actuellement la plus adéquate pour définir l’homme moderne ! L’homme vit maintenant partout sauf en lui-même. En réalité, c’est un excentrique, c’est-à-dire qu’il vit éloigné de son propre centre interne. (En français il existe une autre expression tout aussi adéquate : désaxé). Pour cette raison, il devient nécessaire d’équilibrer la vie extérieure avec une vie intérieure convenable. Nous devons « ré-entrer en nous-mêmes ». Il est indispensable que l’individu renonce à ses multiples évasions et se dédie en échange à découvrir ce que récemment on a appelé « espace interne ». Il faut reconnaître que nous ne vivons pas seulement en un monde extérieur, mais qu’il existe aussi de nombreux mondes intérieurs, et qu’il est possible –  c’est même un devoir – d’arriver à les connaître, à les explorer et à les conquérir. C’est une nécessité, aussi bien pour notre équilibre que pour notre santé ». S’il écrivait déjà cela en 1965, qu’écrirait-il aujourd’hui ?

 

Nous avons tous deux vies, et nous le savons bien : une vie extérieure et une vie intérieure. Le déséquilibre dans lequel nous vivons fait que le plus souvent, il n’est pas considéré comme anormal de n’avoir pas une minute pour notre vie intérieure. Ce manque de considération pour la vie intérieure est complètement anormal mais tout à fait habituel. Inversement mettre la vie intérieure à sa juste place, lui consacrer du temps, est tout à fait inhabituel mais parfaitement normal.

 

Ce chapitre envisage donc des pratiques de vie intérieure. Celles-ci reposent sur les concepts de base d’intériorisation ou de concentration. Il sera question dans ce chapitre de pratiques de concentration auxquelles tous ceux qui voudraient être acteurs du traitement pourraient se livrer. On distingue les méthodes de travail individuelles et les méthodes collectives.

 

[1] ASSAGIOLI Roberto. Psicosintesis: ser transpersonal. Gaia, Madrid, 1996, p 99.

mardi, 25 avril 2017 21:44

Une pratique de concentration

Notre Maître Intérieur, source pour nous des énergies les plus belles et les plus abondantes ainsi que des informations les plus riches et les plus adaptées, est, par définition, une instance intérieure et centrale. L’opération qui mène au contact avec cette instance supérieure en nous ne peut être qu’un mouvement vers l’intérieur. Cela s'appelle l’intériorisation ou, plus précisément, la concentration. Il s'agit dans cette opération de tendre vers le Centre, de s'orienter, de se diriger vers le Centre, de rechercher le contact avec sa propre Essence, le Maître Intérieur. La tradition dit que si nous faisons un pas vers notre Maître Intérieur, lui en fait dix vers nous. Et dans ces conditions s’établit le contact. Celui-ci dissout le maléfice qui maintenait endormie La Belle, qui se réveille et la Bête se transforme petit à petit en Prince Charmant. Il est clair aussi qu’inversement, si nous ne faisons pas ce mouvement vers le Centre, si nous ne nous adonnons pas à une pratique d’intériorisation, nous bloquons cette possibilité de contact et il ne peut rien se passer. « Aide-toi, le Ciel t’aidera ».

 

Il faut dès à présent préciser que, dans ce travail, ce n'est pas le succès de l'opération qui est recherché, mais seulement l'effort vers le Centre. Ce qu’il convient de faire, c’est essayer. Essayer de se concentrer, essayer de tendre vers le centre, essayer de soutenir la concentration. Et consacrer tous les jours un certain temps à ce travail intérieur. Faire tous les jours un pas vers le Centre est le bon moyen de s’en rapprocher petit à petit. Un grand voyage n'est qu'une succession de pas. On commence par un premier pas, puis un deuxième, puis un troisième… Ainsi, petit à petit, on se rapproche du Centre de sa propre vie.

 

La recherche du succès de l’opération est illusoire. L’expérience montre que l’essai est déjà un succès, que le seul fait de se prêter à cet effort d’intériorisation a déjà ouvert la voie, que la rétribution de cet effort de concentration se fait déjà sentir dès le stade de l’expérimentation. Victor Hugo le savait bien : « Dieu bénit l’homme, non pour avoir trouvé, mais pour avoir cherché ». Il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter si les résultats paraissent absents ou ne correspondent pas à ce qu’on attendait. D’ailleurs, qui, surtout parmi les débutants, pourrait prétendre savoir quels devraient être les résultats ?

Il y a ceux qui ont déjà une pratique de vie intérieure, et ceux, la grande majorité, qui n’en ont pas. Par ailleurs, il existe de nombreuses formes de pratique de vie intérieure, de difficulté et d’accessibilité variables. S’il doit se produire un changement de société, si ce changement 2 repose sur la participation à cette œuvre d’un grand nombre de personnes, il est clair que la pratique qui doit être envisagée doit répondre à un certain nombre de critères, simples, pour avoir des chances d’être acceptée et maintenue. Sans vouloir établir une hiérarchie dans ces critères, on insistera sur les points suivants :

 

1. Il doit s’agir d’une pratique. Si l’on est vraiment décidé à guérir de notre hémiplégie, il faut appliquer le traitement approprié. On n’en est plus à la théorie, il faut vraiment maintenant se dédier à une pratique. Ceci suppose l’introduction dans nos vies d’une activité, nouvelle pour beaucoup, qui s’ajoute à tout ce que nous faisions déjà. On sait bien que pour beaucoup de gens (pensons aux mères de famille qui travaillent et qui se retrouvent le soir à la maison avec, en plus, toutes les tâches du foyer, ou à toutes ces personnes qui consacrent un temps interminable dans les transports…) ce n’est pas facile de caser une activité supplémentaire. Mais pour la majorité, il ne s’agit que de l’établissement de priorités nouvelles : devant ce qui est important, derrière ce qui l’est moins. Et il est important de se livrer maintenant à une pratique. On sent bien qu’on y est tenu. On sait bien que, par là, il y a une sortie. Il faut cesser de résister et s’y mettre. Faire un jour le premier pas. Et s’y tenir, recommencer tous les jours.

 

Une pratique suppose un temps et un espace. Un temps que l’on consacre (le terme est bien exact) à sa vie intérieure. Il s’agit de déterminer un horaire, celui qui convient à chacun, mais qu’on s’efforce ensuite de respecter. Certains sont plus à l’aise le matin, d’autres le soir. Le fait de se fixer un horaire et de le respecter rend les choses plus simples avec le temps. Au début, c’est de toute façon un effort, mais petit à petit tout devient plus simple et plus naturel. Au final on prend conscience que cette pratique est quelque chose de tout à fait naturel, que sa place dans notre vie quotidienne est totalement légitime et nécessaire et que si elle venait à manquer, on en ressentirait clairement l’absence. Je me souviens de cette employée de maison de Madrid qui me disait que si, pour une raison ou pour une autre, elle ne pouvait pas tel ou tel jour pratiquer, c’était comme si elle ne s’était pas lavée les dents. Il lui manquait quelque chose.

 

Si l’on dispose d’un temps dans la journée, il faudrait aussi avoir pour soi un espace. Un espace pour la vie intérieure, un temple, un oratoire, un lieu tranquille, si possible loin de la machine à laver ou du téléviseur ou de l’agitation du monde. L’idéal serait une pièce qu’il devrait être possible de fermer à clef, avec lumière, ventilation, silence et tranquillité (ou sinon, bouchons dans les oreilles). On y laisserait son coussin ou son siège de méditation avec un petit autel, une bougie, une fleur, une baguette d’encens, des symboles ou des représentations du divin, si on en sent la nécessité et si cela facilite la création d’une ambiance propice à la vie intérieure.

 

Dans une société patriarcale, tournée vers l’extérieur, on ne trouvera pratiquement jamais ces dispositions spatiales. Le symbole est fort, mais, malheureusement, le seul espace privé disponible dans les demeures modernes sont les toilettes. La vie intérieure, dans une société patriarcale, en pratique, est reléguée aux toilettes ! Dans la conception des maisons et appartements modernes, les architectes « oublient » toujours quelque chose : un espace pour la vie intérieure, et s’en sortent toujours en disant : « Pourquoi un espace pour la vie intérieure s’il n’y a pas de temps ? » On aura bien compris que pour l’avenir, il faudra qu’il y ait temps et espace pour cette pratique. Il est temps que les architectes comprennent cette notion d’espace consacré. Il est temps que ceux qui ont recours à leurs services leur demandent de prévoir cet espace.

 

2. Il doit s’agir d’une pratique de concentration, comme nous l’avons déjà dit. L’objectif est de créer les conditions favorables à un contact avec sa propre Essence, avec le noyau divin en soi, avec le Moi Suprême, avec le Soi Transpersonnel (comme le désignent certains psychologues), avec le Maître Intérieur. Il serait bon que cet effort de concentration se fasse sans tension.

 

3. Un critère majeur de cette pratique devrait être la simplicité. Il est difficilement pensable que des débutants se mettent à pratiquer des techniques de méditation très élaborées ou qui requièrent une préparation physique ou psychique prolongée et sévère. Il faut, au contraire, que la technique soit simple, autant dans sa pratique que dans sa conceptualisation.

 

4. Liée à cette simplicité, la pratique doit être accessible à tous. Toute personne, de quelque condition d’âge, de santé, de culture, de religion, de niveau économique que ce soit, qui veut travailler à sa propre transformation, et ainsi faire partie de ceux qui œuvrent à la solution des problèmes de leur pays, doit pouvoir y accéder et en tirer des bénéfices substantiels. Un jeune enfant, un vieillard, un malade, un pauvre, un riche, un chômeur, un chef d’entreprise, une employée de maison doivent pouvoir accéder aisément et librement à une pratique simple de vie intérieure.

 

5. Il est un critère qu’on s’étonnera peut-être de voir appliqué à des techniques de vie intérieure, mais qui a une très grande importance : l’efficacité. Il ne s’agit plus, dans le monde en déséquilibre et en danger qui est le nôtre, de se lancer dans n’importe quelle pratique de vie intérieure, sans être en mesure d’en attendre une efficacité dans l’ordre de la transformation personnelle. Il n’est pas concevable, à l’heure actuelle que des personnes fassent l’effort d’investir beaucoup de temps et d’énergie dans des pratiques qui ne se seraient pas montrées efficaces. Il n’est plus l’heure de répéter de vieux schémas qui n’ont pas fait la preuve de leur efficacité, ou qui, souvent, ont fait la preuve du contraire. Le fait que dans la démarche du méditant il y ait la patience et le détachement du fruit de son travail, n’empêche en aucun cas que la pratique repose sur des techniques efficaces et éprouvées.

 

6. Le critère suivant sera la nouveauté. Pour beaucoup de gens, entrer dans une pratique de vie intérieure, c’est déjà une grande nouveauté. Tout un secteur de l’existence était resté jusque là dans l’ombre, on décide de l’explorer. C’est déjà un grand changement. Mais l’ouverture au changement peut aller plus loin. Dans le contexte culturel judéo-chrétien qui est en grande part celui de la Colombie, il faudra savoir s’ouvrir à d’autres visions de la vie intérieure que celle que propose la culture dominante, sinon, bien sûr, on court le risque de rester dans les mêmes ornières. Les occidentaux, par exemple, ne peuvent rester sourds aux apports de l’Orient en ce qui concerne les techniques de concentration. Nous ne sommes pas dans une situation où l’on pourrait se permettre le « luxe » de se passer de quelque apport, de quelque aide que ce soit. On prête à Einstein les paroles suivantes : « Si tu veux des résultats différents, ne fais donc pas toujours la même chose ! ».

 

7. Une pratique de vie intérieure doit être sûre. Elle doit, non seulement ne pas mettre en péril le pratiquant, mais en plus lui fournir une protection. Le monde intérieur est un jeu de forces et de programmations, un caléidoscope de toutes sortes d’influences, de conditionnements. La pratique vise justement à éteindre tous ces jeux et à s’en libérer. On ne recherchera donc pas une technique qui continuerait à les alimenter et qui nous lierait avec tel ou tel système de force. Personne n’a besoin de faire de pactes (conscients ou inconscients) pour se libérer, bien au contraire.

 

8. On serait en droit d’attendre aussi d’une technique de vie intérieure qu’elle œuvre dans le sens de l’unité, de l’unification (personnelle, de soi-même avec soi-même, et collective, de chacun avec tous) dans le sens de la synthèse et de la fusion de toute les forces personnelles et collectives. Nous avons à recréer un tissu social, en réveillant cette force Yin de conjonction qui pour l’instant sommeille en chacun. Il ne s’agira donc pas d’exalter le particularisme, ou d’assurer la promotion d’une technique qui se prétendrait supérieure aux autres. La technique supérieure est celle qui unit tous les humains et en fait des frères, regardant ensemble dans la même direction et oeuvrant ensemble pour une cause commune.

 

9. Un autre critère de grande importance, et qui se rapproche de celui de l’efficacité, est que la pratique doit permettre un contact direct avec le Maître Intérieur. L’humanité a trop souffert et souffre encore trop de l’existence d’intermédiaires entre Dieu et les hommes. Dans ce monde déséquilibré qui est le nôtre, nous sommes en permanence soumis à de l’abus de pouvoir. On pense à ces humains qui se donnent vocation d’aider les leurs et qui finalement (et cela pas toujours inconsciemment) se servent de ceux qu’ils sont chargés de servir. Aussi pour éviter ces pièges, il faudrait rechercher une pratique qui permette de shunter tous les intermédiaires, autant visibles qu’invisibles. « S’adresser au Bon Dieu plutôt qu’à ses saints » n’est plus une option mais une nécessité absolue. Et ceux qui font profession d’intermédiaires doivent savoir se rappeler en permanence que les étais sont obligatoirement provisoires et destinés à s’effacer le plus vite possible.

 

10. On rappellera aussi que le but de la pratique étant le réveil d’une force en nous, ce n’est pas pour autant la recherche d’une force supplémentaire de type magique, une force orientée vers la prise de pouvoir sur les autres, ce à quoi aspirent encore certains magiciens retardés, mais bien le réveil d’une force Yin de conjonction, de cohésion, d’unification, de transformation. Il s’agit très clairement de faire croître en nous une importante force de non-violence, exerçant une influence transformatrice puissante sur soi-même et sur le monde et qui soit une alternative incontournable à l’usage excessif de la force Yang masculine.

 

Tous les critères que nous venons d’énumérer sont légitimes. Nous sommes en droit d’attendre toutes ces caractéristiques d’une pratique à laquelle nous sommes décidés à consacrer du temps et de l’énergie. Si celle-ci ne réunissait pas ces conditions, à quoi bon s’y adonner ? Pourquoi se lancer dans une pratique si celle-ci n’est pas sûre, ou si elle n’est pas efficace, ou qu’au lieu de me libérer, elle m’enferme ? Comment justifier l’effort s’il n’y a pas un minimum de garanties ? Les êtres humains ont déjà été tellement échaudés par tellement de fausses solutions proposées à leurs vrais problèmes mal posés qu’ils ne sont pas prêts à se lancer encore une fois dans une aventure sans un minimum de sécurité, et de certitude que, cette fois, les conditions sont réunies pour un succès et une véritable libération. Il faut que le jeu en vaille la chandelle.   

 

Inversement, comment ne pas se lancer dans l’aventure d’une pratique de vie intérieure, si celle ci répond à tous les critères que nous venons d’énumérer ? Comment rester indifférents à tous les bénéfices individuels et collectifs qu’on peut en tirer ? Comment n’en saisirions-nous pas l’opportunité ?

La concentration implique un support de concentration. Il n'est pas aisé, ou plutôt il n’est pas possible à la majorité d’entre nous de nous concentrer sur rien, sur le vide. Ce serait cela qu’on pourrait appeler la méditation, mais ceci est l'étape suivante, une fois « arrivés » au Centre. La première étape est donc la concentration, et, pour la pratiquer, il nous faut choisir un support. Il y a une variété infinie de supports de concentration. Tout peut servir d'appui pour notre concentration : un centre géographique à l'être, un axe, un point sur un mur, une étoile dans le ciel, un son, un concept, une sensation. Chacun, selon ses affinités peut être amené à choisir tel ou tel support de concentration. Classiquement, les adeptes du Hatha-yoga portent toute leur attention sur les postures du corps, ou sur une partie du corps ou sur la respiration. Ces pratiques sont d’un très grand intérêt en ce sens qu’elles permettent le développement de la concentration tout en ne s’éloignant pas de la réalité de l’incarnation. Bien sûr, tout le monde ne se sent pas attiré par ce genre de pratique, beaucoup n’aurait ni le temps ni les conditions physiques ou matérielles de s’y adonner. Néanmoins, de ces pratiques, il en est une qui est du plus grand intérêt et qui est à la portée de la plupart d’entre nous : l’attention à la respiration.

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